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Vlassios I. Pheidas

DROIT CANON - Une Perspective Orthodoxe

ANALECTA CHAMBESIANA 1 - Institut de Theologie Orthodoxe d'Etudes Superieures. Centre Orthodoxe du Patriarcat Oecumenique Chambesy, Geneve 1998.


I. SOURCES, CONTENU ET ESPRIT DU DROIT CANON

4. L'esprit et l'autorité des canons

La tradition canonique officielle a comme principal but d'harmoniser de manière authentique, correcte et universelle le contenu de la révélation en Christ et la mission spirituelle de l'Eglise aux conditions historiques sans cesse changeantes de la vie ecclésiale, telle que celle-ci se réalise moyennant, d'une part, la bonne organisation extérieure et la fonction adéquate du système conciliaire, d'autre part, la nécessité de la vie sacramentelle et morale des fidèles. Ainsi est assurée l'unité de l'Eglise dans lá vraie foi et la charité non seulement par la formulation dogmatique de la foi, mais aussi par l'expérience pure de cette foi vécue par les fidèles dans une profonde unité sacramentelle et dans un accomplissement moral continu. Ån effet, la tradition canonique elle-même, relative à l'évolution antérieure de l'administration ecclésiale, ainsi que la fonction des diverses formes du système conciliaire avaient pour but de préserver l'unité de l'Eglise dans la vraie foi et la charité, en écartant les nombreux dangers qui la menaçaient, et de manifester cette profonde unité essentielle, afin de permettre aux fidèles de comprendre correctement le message de l'Eglise et de s'approprier sûrement le contenu du salut en Christ.

C'est le but suprême poursuivi par tous les canons des Conciles -à la fois œcuméniques et locaux- et des Pères éminents de l'Eglise, ainsi que par la tradition canonique, en général, de l'Eglise. Él serait donc dangereux sinon erroné de faire des distinctions et d'évaluer lá force ïu l'autorité des canons en prenant seulement en considération leur origine ïu l'autorité de l'organe qui les a décrétés. La force des canons ne découle pas seulement de l'autorité canonique ïu, autre, ecclésiastique dont ils émanent, mais surtout de leur rapport authentique au contenu de la révélation en Christ. Cependant, les canons des Conciles œcuméniques et ceux des Conciles locaux doivent garder inviolée cette authenticité. Ainsi s'explique le fait, par exemple, que l'Eglise a officiellement reconnu au Concile œcuménique Quinisexte (691 ) avec les canons des conciles locaux antérieurs ceux du Concile d'Antioche (341) lequel, bien que composé en majorité par des évêques arianisants modérés et bien qu'ayant formulé, dans le domaine dogmatique, des confessions de foi arianisantes, fonda cependant ses canons sur la tradition canonique authentique de l'Eglise.

Toutefois, s'il est impossible de distinguer substantiellement -quant à lá force- les canons des Conciles œcuméniques et locaux suivant l'œcuménicité ïu la localité de leurs organes institutionnels, la distinction -quant áu contenu- des canons reste possible:

a) Les canons des Conciles œcuméniques se réfèrent surtout aux questions fondamentales d'unité et d'organisation administrative de l'Eglise, aux juridictions des agents canoniques de l'autorité administrative (Patriarches, Métropolites), à la fonction canonique des divers organes conciliaires, aux conséquences canoniques de l'heresie et du schisme, à la manière canonique de réintégrer dans l'unité de l'Eglise les hérétiques et les schismatiques, etc.

b) Les canons des Conciles locaux et des Pères éminents de l'Eglise se réfèrent surtout aux juridictions et aux obligations pastorales des évêques de la province, aux rapports entre l'évêque et les ouailles -clergé et peuple- qui relèvent de lui, aux questions canoniques et liturgiques qui préoccupent les Eglises locales, à la vie morale et, en général, religieuse des fidèles, à la pénitence etc., autrement dit, à l'ensemble du service pastoral de chaque évêque.

Ån effet, parmi les canons des Conciles œcuméniques, peu nombreux sont ceux qui se réfèrent à la vie liturgique de l'Eglise locale et encore moins nombreux ceux qui se rapportent à la vie morale des fidèles, hormis le Concile œcuménique Quinisexte qui non seulement ratifia, mais fit aussi la synthèse du contenu de la majorité des canons pastoraux émanant des Conciles locaux du IVe siècle. Cependant, parmi les Conciles locaux aussi, font exception à la distinction que nous venons de faire les Conciles d'Antioche (341) et de Sardique (343), réunis en tant que conciles généraux et qui se sont prononcés sur des questions ecclésiastiques d'ordre général, en raison des situations créées dans l'ordre canonique de l'Eglise par les querelles ariennes; comme d'ailleurs la grande Collection des canons de l'Eglise d'Afrique du Nord, ratifiée par le Concile de Carthage (419) en raison de la grande variété de son contenu. Mais cette distinction entre canons des Conciles œcuméniques et locaux apparaît aussi dans leur contenu, étant donné que les premiers s'occupent plus specifiquement des problèmes généraux concernant l'unité canonique du corps des évêques ïu de l'Eglise dans la vraie foi et la charité, alors que les seconds se réfèrent notamment aux divers et nombreux problèmes liturgiques ïu pastoraux auxquels est confrontée chaque Eglise locale.

Toutefois, cette distinction n'entame pas essentiellement l'autorité de ces canons, mais concerne seulement leur envergure. Dans ce sens, les questions spécifiques, ayant suscité l'élaboration des canons des Conciles locaux, ont habituellement un caractère lïcal: par exemple, le cas des lapsi ïu les coutumes judaïsantes en Galatie ïu les thèses erronées des Eustathiens sur le mariage et le jeûne, ïu les déviations liturgiques en Phrygie, qui ont respectivement donné matière pour décréter la plupart des canons des Conciles locaux de Gangres et de Laodicée. Ces questions préoccupaient specifiquement les Eglises de Galatie et de Phrygie, sans donc intéresser l'Eglise universelle qui n'était pas confrontée à des problèmes pareils dans ses autres éparchies. Cependant, la localité de l'expérience spirituelle manifeste dans chaque lieu le mystère entier de l'Eglise, comme l'universalité de cette expérience est affirmée par la plénitude de chacune de ses manifestations locales.

Dans cet esprit, les canons des Pères de l'Eglise ont un caractère nettement pastoral et se rapportent surtout au repentir des fédèles concrets d'une region qui ont commis des fautes graves canoniques ïu morales, autrement dit à ceux qui, d'une façïç ïu d'une autre, se sont éloignés du christianisme (Grégoire le Thaumaturge), à la place des lapsi durant les persécutions (Pierre d'Alexaéédrie), à la pénitence requise pour certains péchés (Basile le Grand) et l'appréciation, sur la base des trois péchés graves (apostasie, prostitution et meurtre), d'autres fautes des fidèles (Grégoire de Nysse), etc.

Él est bien clair que l'élaboration par l'Eglise des canons ne vise pas à développer l'expérience de la foi dans un système de Droit ecclésiastique positif, mais a comme but principal de préserver chaque fois la plénitude du contenu de la vérité de la révélation - nécessaire à la vie des fidèles - de toute incompréhension ïu déviation; autrement dit, permettre aux fidèles de vivre correctement la substance du mystère de l'Eglise à chaque moment de l'histoire du salut. C'est conformément à ce but suprême de la tradition canonique que doit être détérmine le caractère juridique des canons: ceux-ci non seulement ne constituent pas une systématisation positiviste du mystère entier de l'Eglise, mais ne sont pas en mesure d'envisager de manière exhaustive une perspective de la vérité révélée de la foi, qui doit sans cesse servir de fondement à la constitution matérielle des canons. Pour supprimer une quelconque incompréhension de la vérite ïu une quelconque déviation par rapport à cette vérité, il ne faut pas réduire le contenu entier de la vérité de la foi dans un système positiviste, mais exposer sa référence spécifique à chaque cas d'incompréhension ïu de déviation.

Le fait demeure cependant que pour comprendre et apprécier correctement le message de la tradition canonique il faut necessairement inférer de manière authentique la volonté de la tradition canonique à la fois aux sources de la révélation en Christ et au contenu entier du salut. Cette exigence rend évident que l'esprit des canons doit toujours exprimer l'esprit de la révélation en Christ et livrer inaltérable aux fidèles le message du salut en Christ. Si cependant cette inférence du contenu matériel historique de certains canons s'avére diffécile, en raison de la non-existence d'un principe explicite ïu similaire dans l'Ecriture Sainte, il faut alors chercher un rapport implicite de ces canons au contenu et à la fonction du mystère de l'Eglise. Par conséquent, les canons, qui ne dépendant pas morphologiquement de formulations précises et concrètes des sources de la révélation, ont, sans doute, été dictés par la conscience ecclésiale et expriment la volonté unique et inaltérable de l'Eglise à chaque époque, toujours en rapport absolu à son but suprême, à savoir le salut de l'homme.

Cette authenticité de la manifestation de la volonté de l'Eglise dans les canons est garantie par la présence vivante et continuelle du Saint Esprit dans l'Eglise. Ån effet, le Saint Esprit guide l'Eglise vers l'accomplissement eschatologique du Royaume de Dieu; confirme la présence ininterrompue du Seigneur dans son Eglise; rend accessible à 1'Eglise la vérité de la révélation en Christ; préserve l'Eglise contre les utopies passagères ïu même contre les quêtes ïu les spéculations eschatologiques non fondées; garantit l'authenticité de l'absolue vérité de foi dans son lien à des schémas historiques précis; transforme la vérité historique du Christ en vérité historique de l'Eglise; conserve au sein de l'Eglise l'équilibre authentique entre continuité et renouveau du message divin et conduit l'Eglise à l'accomplissement de sa mission suprême dans l'histoire du salut.

Dans ce sens, l'Eglise peut, dans sa vie historique, formuler sous la conduite du Saint Esprit une position canonique, sûre et authentique, négative ïu positive, qui vise à garder inaltérable l'expérience sacramentelle de la foi, possédée et vécue par elle. Si cependant cette position, positive ïu négative, de l'Eglise vis-à-vis d'une quelconque question ecclésiastique n'était pas sûre - ïu plutôt si elle n'était pas necessairement sûre-alors logiquement l'Eglise pourrait même s'égarer. Mais cela est contraire à la nature et à la substance de l'Eglise, en tant que "Corps du Christ" historique, étant donné que si l'Eglise pouvait effectivement se tromper, alors son attachement à la vérite de la révélation en Christ ne serait pas toujours certain. Si cela était possible, alors l'Eglise ne serait pas nécessaire au salut, puisqu'elle ne conduirait pas sûrement au salut. De telles suppositions ont depuis toujours été considérées comme théologiquement et ecclésiologiquement inconcevables. L'infaillibilité de l'Eglise ne doit pas cependant être considérée de façïç statique par rapport à la foi possédée et vécue par. elle, mais de manière dynamique par rapport à l'enseignement formulée par elle, étant donné que l'enseignement de l'Eglise ne peut pas être cïnçu séparément de la foi vécue par expérience.

Ce rapport entre foi vécue et enseignement se réfère non seulement à la formulation des dogmes de foi, mais aussi à la tradition tout entière de l'Eglise. D'ailleurs, la tradition de l'Eglise est christocentrique, étant donné que le transmetteur (propagateur, enseignant) et le transmis (propagé, enseigné) de cette tradition est le Christ lui-même. Ce lien indéfectible entre le Christ de la foi et le Christ de l'expérience sacramentelle de l'Eglise constitue dans la vie historique de l'Eglise une manifestation authentique de sa conduite par le Saint Esprit jusqu'à l'accomplissement de l'histoire du salut. Él est cependant clair que la conduite de l'Eglise par le Saint Esprit ne s'identifie pas unilatéralement à la matière historique ïu à la forme grammaticale des canons, mais certainement à leur substance et à leur esprit. Ån effet, chaque canon n'exprime le contenu du mystère de l'Eglise que s'il se réfère de manière authentique et dans son esprit à la fois à la plénitude du contenu de la révélation en Christ et à la plénitude de la vie spirituelle des fidèles.

Dans ce sens, il importe de considérer comme irréfutable que les canons dans leur ensemble sont un témoignage sur de l'adaptation authentique du contenu de la révélation en Christ à la vie historique de l'Eglise à chaque époque, car ils constituent la manifestation historique en l'Esprit Saint de la vérité de la révélation en Christ continuellement possédée et expérimentalement vécue par l'Eglise. Cela devient plus clair, si nous considérons que l'Eglise, par sa tradition canonique tout entière, ne vise pas à trouver et à exposer la vérité de la foi, mais pose la vérité éternelle de la foi, déjà possédée par elle, comme une condition fondamentale à la formulation historique des canons. Ån décrétant donc les canons pour faire face à des incompréhensions de la vérité de la foi ïu à des déviations par rapport a cette vérité, surgies à diverses époques, l'Eglise ne considère pas nécessaire de fonder expressis verbis ces canons sur la vérité absolue qui dicte leur élaboration, cette vérité étant toujours et sans cesse vécue par elle.

Certes, les canons ont habituellement le caractère de définitions ecclésiastiques empiriques, mais ils ont toujours une référence indirecte soit à la vérité de la révélation, soit même à la nature authentique ïu à la mission salvifique de l'Eglise. Cependant, lorsqu'ils sont édictés pour envisager chaque fois correctement les questions ecclésiastiques, ils présupposent alors aussi la conscience claire que l'Eglise vit le contenu de la vérité formulée par le canon. Mais cette conscience ne s'exprime pas toujours de manière positive; elle se manifeste même souvent de manière négative. Cela devrait être considéré comme évident, étant donné que le contenu de la verité révélée, tel qu'il est vécu par l'Eglise dans sa plénitude, n'a pas besoin d'une formulation systématique, mais seulement quant à son aspect mal compris à un certain moment et dans un certain lieu. Ainsi, pour rétablir la plénitude et l'authenticité de cet aspect entamé, l'Eglise édicte un canon précis ïu des canons. Autrement dit, la forme historique existante des canons reflète sûrement la substance et la plénitude de la vérité révélée, étant donné que c'est une diffusion (propagation) empirique de celle-ci. Toutefois, ces canons en soi constituent une simple figure historique, et non pas un relevé exhaustif de la vérité absolue.

La tradition canonique exprime donc non pas un développement indépendant ïu horizontal d'un positivisme juridique dans la vie historique de l'Eglise, mais l'authenticité verticale de son rapport historique à la vérité possédée et vécue par l'Eglise en l'Esprit Saint. La description systématique de cette expérience vécue des vérités de la révélation dans un système juridique complet du droit de l'Eglise est ecclésiologiquement inconcevable et pratiquement impossible. L'Eglise réalise la communion et l'union entre l'homme et Dieu par des actions historiques concrètes. Él importe donc de distinguer nettement dans les canons entre l'être permanent et le devenir historique permanent de l'Eglise. Mais, le conteréu fondemental de l'esprit de chaque canon est infiniment supérieur à sa matière ïu à sa forme historique extérieure, étant donné que l'historicité du canon ne doit être conçue que dans le sens que la vérité éternelle et absolue est placée dans l'histoire et déterminée par elle tant dans sa forme que dans ses modes d'expression. De ce point de vue, il importe de considérer les canons non seulement comme une source authentique du message de la révélation en Christ, mais aussi comme un canal sûr, par ïù ce message passe inaltérable et imprégne la vie des fidèles áõ sein de l'Eglise.

Él n'en demeure pas moins clair que dans les canons il n'y a pas d'identité de leur contenu historique à la plenitude du contenu des vérités revelées, mais certainement une adaptation authentique de la plénitude du contenu de la vérété de la foi à chaque problème ecclésiastique précis quant à son lieu, à son temps, à ses personnes et à sa substance. Ån effet, la formulation du contenu spécifique de la vérité de la foi dans les canons est clairement déterminée par la question ecclésiastique spécifique; et cela non seulement dans sa projection historique dans le temps et dans l'espace, mais aussi dans le langage ïu la terminologie utilisés, ainsi que dans l'organisation historique de leur contenu. Cela signifie que dans les canons nous n'avons pas seulement une partie de la vérité tout entière, mais une perspective spécifique de cette vérité afin d'adapter son contenu à la question précise posée par une déviation ïu par une incompréhension. Par conséquent, dans les canons nous avons une perspective spécifique non seulement d'une partie, mais de la plénitude de la vérité de la foi. D'ailleurs, il n'est pas toujours nécessaire de traduire l'expression absolue de la vérité vécue de la foi et du mystère de l'Eglise dans des formes canoniques concrètes, ètant donnè que les canons constituent simplement une matèrialisation historique de la vérité de la foi, selon les besoins constatés des fidèles, qui agit toujours au sein de l'Eglise et par l'Eglise. (to be continued)

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