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On Line Library of the Church of Greece


T. R. Archipretre E. Kovalevsky

Le mystère de la Mère de Dieu

Institut de Theologie Orthodoxe Saint-Denys

 

SIXIEME LEÇON  

au-delà des sexes

Nousavons posé une question troublante: pourquoi les Saintes Ecritures révèlent-elles, que dis-je: pourquoi Dieu Lui-même se révèle-t-eIl au travers de nοms masculins, le:Père, le Fils, et non au travers de noms fiminins: la mère, la fille, Lui Qui est au-delà, de toute distinction de sexe? Il est vraiment absurde d'introduire dans la Divinité la moindre allusion à un sexe naturel; déjà les anges et les esprits hunains n'ont pas de sexe. Et l'apôtre Paul écrit: "En Christ, il n'y a ni hοmme, ni femme.
 

Loin de nous la pensée impie que le sexe masculin est plus proche de la Divinité que le féminin! de cette Divinité transcendant toute opposition, comparaison οu dualité. Pourquoi alors Dieu se plait-Il à Se nommer Pére et nοn mère, Fils et nοn fille? C'est afin de bien incruster en notre intellect que dans les Personnes divines, il n'est ni subissement, ni passivité. Les qualificatifs féminins suggèrent inévitablement un "subi" οu un "passif".  

Si le Fils et l'Esprit Se donnent, Se livrent, Ils Se donnent et Se livrent librement, souverainement et activement.  

"Il fut livré, οu plutôt, Se livra librement pour la vie de tous". "Jette Τοn regard, Seigneur, sur cette famille pour laquelle Τοn Fils, notre Seigneur Jésus-Christ, n'a pas hésité à Se livrer aux mains des néchants et à subir le supplice de la croix", précisent les textes liturgiques.    

 

rien de passif dans l'Esprit

En hérreu, l'Esprit est féminin; cette singularité ouvre la route aux conceptions de féminité dans la Trinité. Quelques-uns, s'appuyant sur cette singularité de la langue sacrée, prétendirent voir dans l'Esprit: la Mère, placée auprès du Père, formant ainsi anthropomorphiquement "une famille naturelle" au sein de l'Inaccessible; d'autres, plus subtilement, sans employer de terminologie féminine, identifièrent l'Esprit à un Don au lieu de Le proclamer Donateur de dons, à l'Amour au lieu de Le confesser Porteur de l'amour, et imposèrent à la sublime Relation triadique une Hypostase plus οu moins passive, plus Divinité que Dieu. Et, dans leur aberration, ils distinguèrent en parlant de l'Esprit Saint: la spiration active du Père et la spiration passive du Fils. Ils oubliaient que cette dualité entre actif et passif est une imperfection relative au commerce des humains.
 

L'Esprit Saint pénètre tout, scrute tout, même les profondeurs divines. Il ne subit pas, Il fait subir en tant que Donateur de la grâce, Il procure  l'être, le mouvement, l'evοlution, la vie, la perfection.
Attention!  Saint Jacques écrit que toute paternité tire son origine du Père des lumières, mettant ainsi en relief la relatiοn des paternités avec la Paternité. Bien entendu, saint Jacques entend "paternité" dans le sens spirituel, au-delà de tout sexe.    

 

la paternité maternelle

 Pourtant,  les images  féminines et maternelles ne  sont pas exclues totalement de la Révélation de la nature divine et de l'action du Créateur.  Une série de textes sacrés chante les "entrailles de la "Divinité", les '''entrailles de Sa miséricorde" Nous avons  parlé,  dans le cours sur la Genèse, des entrailles de la miséricorde divine qui portent l'univers, comme si le monde était un enfant,  enfermé dans le sein paternel  pendant neuf mois,  jusqu' à l' accomplissement  des  temps.
 

Lorsque nous annonçons avec le Psalmiste, à la fête de Noël, "Avant l'aurore, Je Τ'ai engendré ... Τu es mon Fils", nous confessons audacieusement que le Père est enceint de Son Fils, pré-éternellement. Ecoutons aussi le Christ: "Je suis dans mon Père" et, afin que nous ne demeurions pas appesantis par la vision charnelle, mais que nous la dépassions,  Il ajoute:  "le Père  est  en Moi".  Le Père n'a pas besoin d'une mère comme intermédiaire pour engendrer Son Fils;  seul, Lui, Principe sans principe, Source, Abîme nori manifesté possède Son Unique.  

Laissez-mοi dire ouvertement: Dieu n'est pas une mère, Il est Père, mais Sa, paternité est maternelle.    

 

le Nourricier  

Et que dire du Fils! Est-ce l'homme qui nourrit son enfant? Nοn, c'est la mère qui allaite le nouveau-né; de même, le Christ nous allaite par Sa propre chair, Son propre Sang, Sa nature divine dans le mystère eucharistique. "Venez-moi, vous tous qui êtes fatigués et chargés, Je vous soulagerai, car Je suis doux et humble de coeur"; ne sont-ce point des paroles de tendresse maternelle?  

Pleurant sur Jérusalem, Il se compare à une poule qui veut rasseubler ses petits sous ses ailes.    

 

la Couveuse  

Et que dire du Saint Esprit en Qui réside la plénitude de la divinité, en Qui demeurent le Pèτe et le Fils, et Qui, semblable à  une couveuse, plane sur les eaux, réchauffe le monde et lui procuτe la vie et la vigueur ...    

 

"IL - transcendant,  "ELLE" - imanente

Dieu est "IL", mais la divinité est "ELLE". Le Père est Il, le Fils est Il, l'Esprit est Il, la Trinité est Elle, la Grâce est Elle, l'Energie est Elle, la Vertu est Elle, la Puissance, la Sagesse sont  Elle. Le rite occidental de la Bénédiction des Fonts baptismaux du Samedi Saint appelle la Grâce "nοtre Mère".
 

S'il nous est permis d'employer un langage sommaire, grossier, contenant quand même une analogie approximative, nous dirons: Dieu en Soi est Il, dans Sa manifestation Il est Elle; et, pοussant le paradoxe a la limite: Il est transcendant, Elle est immanente. Cela suffit pour amollir la dureté de notre langage.  

Quand nous proclamons que Dieu est notre "Père" et la  nature-Marie est notre "Mère" nous n'opposons pas brutalement deux sexes, mais désignons dans leur comparaison un symbole débordé par la réalité, qui indique plus qu' il n'exprime.    

 

le double fil, rouge et noir

Jung, remarquable psychanalyste du XXe siècle, a souligné avec une rare maîtrise que la mère qui donne naissance et nourrit son enfant, se transforme par esprit "d'entrailles" en tombeau de ce même enfant. Combien de fois constatons-nous un fils οu une fille étouffé par ses parents, et surtout un fils unique par sa mère aimante! La haine des belles-mères pour les brus vient du refus de "partager" sοn enfant. Ce mélange inquiétant, après le péché originel, de la vie et de la mort, de la terre-mère féconde et de la terre-tombeau, de la mère de la vie et de l'ogresse dévorant sa progénituτe, passe cοmme un double fil rouge et nοir le lοng de l'histoire de l'humanité. La  mère, la famille, le milieu, la tribu, la société, la nation: cette maternité élargie, qui engendre, cultive, nourrit des personnes; dès que ces dernières essayent de quitter les cadres chaudement natals elle les dévore, les oblige à se replier, à réintégrer l'état d'enfance. Les personnes "indévorables" sont excommuniées, reléguées dans une atmosphère de "fausses couches".
   

 

le Christ - Psychanalyste:  

Le Verbe, notre Libérateur et Rédempteur, né de la Toute Sainte Pure Vierge Marie, est venu parmi nous pour exalter la Mère divine, la libérer, la racheter et à travers elle le monde, de la mère de la mort. Des paroles d'extrême violence à l'égard de la famille et du milieu sont prononcées par le Christ: "Celui qui ne hait pas son père et sa mère, n'est pas digne de Moi". Pourquoi un mot aussi cruel que "haine" dans la bouche de Celui qui est l'amour total et parfait? Parce que l'instinct de la mort possessive, étouffant, englobant, est si sapant, si profondément enraciné dans le subconscient humain qu'il faut l'arracher impitoyablement. La haine du père et de la mère n'est pas la haine du père source de vie, ni de la mère donatrice de la vie, mais du père meurtrier et de la mère tombeau.  

Remarquable est la pédagogie amoureuse dy Fils de l'homme vis-à-vis de Sa mère. Jésus libère et préserve Marie de la tentation de glisser dans la maternité accaparante. Aucune mortelle haleine, la moindre fut-elle, ne doit la salir. A douze ans, dans le temple, Il la libère et la préserve aux noces de Cana, Il la libère et la préserve lorsque la femme s'écrie: Bienheureuse celle dont les mamelles T'ont allaité! Il la libère et la préserve du complexe maternel,  mais exalte en elle la Mère de Dieu. Il l'honore par son obéissance, la suivant lorsqu'elle vient Le chercher dans le temple,  accédant à son désir  et accomplissant  son premier miracle,  à Cana. Il l'appelle bienheureuse quand Il répond à la femme: Bienheureux plutôt celui qui écoute Ma parole et la garde. Ainsi, le Christ apparaît comme notre Rédempteur, Libérateur et unique Psychanalyste.    

 

L'icône de la "Mère de Dieu  

Les icônes de la Vierge, peintes selon la tradition, grecque, russe, catalane, syrienne, etc.... et inspirées par une mariologie orthodoxe, incarnent les rapports authentiques de Jésus et de Marie. L'enfant n'est pas un pοupοn, un bébé nu que la maman embrasse en le caressant; Jésus sera un enfant, certes, mais avec une personnalité accomplie dans son regard, son attitude, son vêtement. Il manifestera une tendresse filiale envers Sa mère, tout en la bénissant et la protégeant délicatement. La tête inclinée de Marie est un geste maternel et adorateur. D'une main, elle Le soutiendra, de l'autre elle Le priera. Nous trouverons quantité d'interprétations, aussi bien par le style que par la composition, dans les icônes mariales; toutes souligneront l'indépendance du Fils de Sa Mère, parce que le Fils est Dieu, sans doute, mais aussi parce que l'icône représente une Mère pure et un Fils sans péché.

   

Le mystère de la Mère de Dieu

Table des Matières

 

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