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T. R. Archipretre E. Kovalevsky Le mystère de la Mère de Dieu Institut de Theologie Orthodoxe Saint-Denys QUATRIEME
LEÇON miroir
Nous
trouvons dams les Saintes Ecritures, dans la littérature patristique et
les chants de l'Eglise, différentes analogies entre Eve et Marie, Eve et
l'Eglise; je les définirai
"analogies directes" οu "positives"; vierge et
Vierge, mère et Mère...; "analogies opposées" οu "négatives":
Eve engendre la mort, Marie la vie, Eve est imprudente, Marie est sage...
et, enfin, les analogies qui ne sont ni ressemblance, ni opposition et que
je nommerai "analogies de reflet, de miroir". Nous ntrevoyons
ici le fascinant mystère du miroir que nous ne pouvons étudier
longuement aujourd'hui.Indiquons seulementun exemple qui nous aidera à pénétrer
cette mystérieuse "analogie du miroir" et à recevoir son
enrichissement. Grégoire Palamas considère que la création est le
miroir de Dieu; la caracteristique du miroir étant que ce qui est à
droite apparaît à gauche et vice-versa, vous imaginez tout ce que
l'applicatiom de ce concept à notre univers peut provoquer. Eve,
en acceptant les paroles trompeuses de Satan, près de l'arbre, devient mère
de ceux qui meurent; le Christ, sur l'arbτe de la croix, fait. de Sa Mère,
à travers Jean, notre Mère et elle devient mère des vivants
de la race nouvelle. Eve
est l'épouse d'Adam, celui-ci, façonné de la terre par Dieu, a pour mère
le limon; la Vierge est la Mère et nοn l'épouse du Deuxième Adam, et
l'Eglise, jaillie du côté percé du Sauveur est reflet de Marie, sera
l'Epouse de notre Seigneur. Ce rythme du renversement de ce qui fut, est
une restauration. L'harmonie des faits se reforme, Eve cède la place à
Marie, Mère d'Adam, Eve, épouse de l'homme "potentiellement"
déifié, contemple la Vierge, Mère de l'Homme-Dieu selon la
nature. Nous voyons donc derrière le mystère de l'incarnation et de la rédemption
se profiler le mystère du miroir. acquisition
de la maternité Οn
pourrait dire que si-la "mariologie" commence, en Eve, par l'épouse,
elle s'achève dans la maternité. L'humanité,
en évoluant vers le Christ et le monde transfiguré, s'approche de la
maternité divine. Au cours de ce cheminement, les êtres qui se
spiritualisent dépassent le sexe; les Saintes Femmes agissent avec un
esprit mâle et les Saints se servent d'une intuition fiminine, d'une délicatesse
maternelle. Celui qui monte vers Dieu n'est plus spécifiquement homme οu
femme. Curieuse constatation,
le progrès, est aimanté par la maternité;
déjà l'apôtre Paul écrivait aux Corinthiens: "C'est
moi qui vous ai engendrés" (I Ep.IV;15) et, aux Galates: "Mes
enfants, pour qui
j'eprouve les douleurs de l'enfantement"
(IV;I9) La charité qui répand la grâce est maternelle. Le
sentiment du prêtre, mes amis, vis-à-vis de ses fidèles est une des
images de cette maternité; il n'est pas que le père de ses enfants, il
les porte dans ses entrailles. Permettez-moi l'audace de cette expression:
à la suite de Marie, il est vierge et mère. saint
Augustin prie
Dans
la messe du jour de la Nativité, selon l'ancien rit des Gaules, nous
trouvons une Bénédiction des Fidèles, attribuée à saint Augustin;
elle reflète, en effet, l'esprit de l'évêque d'Hippone. Bénédiction
des Fidèles "Seigneur,
né aujourd'hui pour notre salut, de la Vierge Marie, Mère de Dieu, fais
que Ton peuple saint, ici présent, reçoive aussi la grâce d'être
vierge et mère, Tous:
Amen. Vierge
par la foi intègre, Te confessant vrai Dieu et vrai homme. Amen.
Mère
par la charité, portant dans ses entrailles les mondes fatigués et chargés.
Amen. Qu'il
enfante sans semence d'avidité la générosité fraternelle. Amen. Qu'il
soit bon pour les hommes; qu'il
soit bon aussi pour les animaux
qui ont vu aujourd'hui leur
Créateur couché daris la crèche Amen.
Qu'il
aime les cieux ornés
aujourd'hui par les anges et
l'astre immatériel. Amen. Qu'il
bénisse la terre qui est plus hospitalière que les cités humaines,
ouvrant une grotte à Toi, notre Sauveur et Libérateur, Jesus-Christ,
consubstantiel au Père et à
l'Esprit Saint, aux siècles
des siècles. Amen".
double
exigence dans l'homme.
"Vierge
féconde et Mère
intacte", chantent les priéres du rit des Gaules.
Cette notion s'eveille dans les actes les plus simples de notre vie
quotidienne; elle nous indique que nous sommes mûs, consciemment οu
inconsciemment, par le désir de cette unique solution: être mère
intacte et vierge féconde, vierge-mère. L'élévation de l'âme est ailée
par quelque-chose de léger, autant dans l'art sans simplification des
lignes, queste de l'authentique, du nοn-mélangé, du nοn-confondu.L'
amour humain veut l'unique, unique alors signifie pureté, car la pureté
est necessairement intègre. Cette aspiration vers l'unique se révèle
dans les sciences comme dans l'amour, οn scrute pour découvrir l'unique
loi, nοn parce qu'elle est nécessaire mais parce qu'elle incarne une
urgence de la pensée logique. Nous voulons, nous exigeons cette formule,
pierre philosophale qui nous communiquera la réponse ultime.
Et, simultanément, auprès
de cet unique, de ce nοn-changeant,
l'âme désire avec puissance la création ou engendrement, la
manifestation, l'épanouissement. le
glaive qui perce l'âme de Marie Mais
la Vierge féconde et la Mère intacte, dut-elle, à l'exemple d'Eve
soutenir le combat contre Satan, fut-elle tentée, a-t- elle douté ?
Saint
Siméon luidit prophétiquement, au cours de la Sainte Rencontre: un
glaive te transpercera. Elle accepte ce glaive, douleur d'une mère ai
pied de l'arbre de la croix, car elle garde son intégrité, mais au
moment de la crucifixion elle fait preuve d'un certain doute.
Ressuscitera-t-Il! L'Eglise nous a transmis ce sentiment dans un chant du
Vendredi Saint: "Voyant Son Agneau traîné vers l'immolation, Marie,
consuméee de douleur se lamente: Οù
vas-Τu, mon Enfant? Pour
qui accomplis-Tu. cette rude course ? Dois-je
T'accompagner ou T'attendre ? Dis-moi
un mot, ô Verbe, Ne
passe pas en silence! Y
aura-t-il à Cana une autre noce ? Vas-Τu
refaire pour eux du vin avec de l'eau ? Dois-je
T'accompagner ou T'attendre, Dis-moi
un mot, ô Verbe, Ne
passe pas en silence! Réponds
à celle qui T'engendra étant
vierge: Tu
es mon Fils et mon Dieu! Dois-je
T'accompagner οu T'attendre, Dis-moi
un mot; ô Verbe, Ne
passe pas en silence! et
la réponse du Christ, dans un autre chant: Ne
pleure pas, ô Mère, Je
ressusciterai et Je te glorifierai. Donnοns
la parole à l'Eglise: "En
contemplant sur la croix l'Agneau, le Pasteur, le Sauveur du monde, Celle
qui L'avait mis au monde, dit en larmes: L'univers se réjouit en recevant
la délivrance, mais mes entrailles se dessèchant lorsque je contemple Τa
cruicifixion! Τu la souffres
pour tous, ô mon, Fils et mon Dieu". "L'Agnelle,
voyant son Agneau immolé , est frappée' d'un glaive, et se répand en gémissements,
entraînant le troupeau à
pleurer avec Elle: Malheur! O Dieu et Verbe,
ô ma Joie, comment pοurrais-je supporter Τοn ensevelissement
pendant trois jours! Mes
entrailles sont déchirées de doute
et de douleur. Qui
me donnera une source jaillissante
de larmes, crie l'Epouse de
Dieu et Vierge, afin que je pleure mon doux Jesus!
Collines
et vallons; et vous, multitudes d'hommes, pleurez Univers, lamente-toi
avec moi; la Mère de Dieu. Seule
entre toutes les femmes, je Te mis au monde sans douleur, mon Enfant, mais
maintenant je souffre une peine intolérable auprès de Τa Passion.
Hélas,
mon Fils, disait celle qui ne connut point d'homme, je Te croyais Roi, et
je Te vois en croix
comme un condemné. C'est,
du moins, ce que m'annonçait
Gabriel; lorsqu'il vοla vers
moi et me dit que le royaume de mon Fils
et de mon Jésus serait
éternel! La
prophétie de Siméon s'accomplit, Ton glaive a transpercé mon coeur,
Emmanuel! Contemplant
Τa mort, ô Christ, Ta Mère Immaculée gémit amèrement: O Vie,
ne Τ'attarde pas chez
la mort! O mοn dοux Printemps,
mon doux Enfant, où a
sombré Τa beauté!" alors,
le Fils répond : et
Marie: "Je
glorifie Τa souveraine Passion, ô Fils.
Ressuscite, ô Compatissant, nous arrachant aux gouffres de
l'enfer. Hâte-Toi
de ressusciter., ô Verbe,
pour mettre fin" à la douleur de celle qui Te conçut
virginalement" ! Marie,
la Victorieuse Marie
ne s'est
jamais aventurée dans
un combat contre
l'incrédulité. Néanmoins, subtilement, profondément, sa route
est difficile. Elle supporte
la crucifixion spirituelle, la traverse par une victoire successive.
L'Eglise nous l'apprend qui affirme que la Mère du Verbe, une fois sortie
de ce monde est invincible; aucun démon ne peut s'approcher d'Elle, la
Victorieuse, nοn seulement parce qu'elle a porté Dieu mais parce qu'elle
a gagné la bataille, intègre dans la foi, intègre dans la fidélité,
integre dans l'obéissance. Les
âmes des défunts lui sont confiées. La voyez-vous descendre jusque dans
les abîmes de l'enfer pour soulager les peines! Rien ne peut la toucher,
rien ne peut l'arrêter! Cette vertu, elle l'a conquise. la
note accordée Un
autre passage de l'Evangile, moins accentué, nous présente un des
aspects du combat de la Vierge. Elle
s'aperçoit que l'Enfant Jésus ne l'a pas suivie, elle s'inquiète comme
une mère et, entraînée par Joseph, lorsqu'elle Le retrouve dans le
Temple parmi les docteurs de
la Loi, elle ne peut s'empêcher de Le gronder doucement.
Lutte entre la maternité naturelle qui a craint et l'abandon sans
limites à son Fils et son Dieu. Il
est très malaisé de définir le "doute" de la Vierge.
Est- ce réellement un doute?
Aucunement. De l'incrédulité? Aucunement! Alors?
Dans le plus grand acte humain, il y
a toujours... je ne sais comment l'expliquer, une corde tendue entre
deux extrêmes. Prenons
un exemple: les vertus dites théologales, la foi, l'espérance et la
charité. La
foi est aussi éloignée de la crédulité d'un naϊf, d'un inexpérimenté,
d'un enfant qui "croi au Père Nοël" que de l'incrédulité οu
du scepticisme. L'abusé et l'idéaliste sont deux types anticroyance,
plus exactement: anti-foi. La foi est une tension entre les doutes surmontés
à chaque instant et la confiance dans le Christ. Elle est lucide, la crédulité
est aveugle; la foi résiste aux chocs et aux épreuves, la crédulité se
brise. L'incrédule, lui, est une victime de la crédulité trompée.
De
même, l'espérance n'est pas l'optimisme ("tout est pour le
mieux"), ni un désespoir pessimiste dominé ("où va le
monde!"); elle est un dépassement permanent des désillusions,
l'attendre ferme de la réalisations, des promesses du Christ. L'une
et l'autre, la foi et l'espérance, sοn des cordes qui résonnent juste,
accordées en bas par l'épreuve du doute et en haut par la grâce. Conquête
et don coexistent en elles, produisant un son harmonieux. Semblable
à la foi et à l'espérance,
résonne la charité. Fruit de la victoire perdurable sur les passions,
unie à la jouissance divine. Marie
transcende la crédulité et le doute, par la foi victorieuse et gratuite.
tentation
de Marie
La
Mère de Dieu est en lutte perpétuelle, en tentation de chaque instant;
il y a en elle un écho de la tentation d'Eve, de la tentation du Christ,
de manière plus concentrée, mystérieusememi, durant ses années écoulées
dans le temple. C'est parce
qu'elle repousse sans répit l'appel insinuant du diable qu'elle peut
accepter les propositions de l'archange Gabriel. Pendant
le baptême, avant de répondre
à la question: "Te joins-tu au Christ? Je m'y
joins", nous renonçons à Satan,
à son orgueil, à sa pompe. La
Vierge, avant d'avoir la possibilité de répondre
au messager céleste: "Je suis la servante du Seigneur",
d'écouter sans péril les paroles de Gabriel, devait soutenir un
autre dialogue dans le temple; il
lui fallait dire: "non! à l''ennemi. Car,
pour dire pleinement: Oui!
au salut, il faut avoir dit: Nοn! au prince d'iniquité.
Nous entrevoyons, comme sous un voile, cet élément de la
tentation mariale dont οn ne dit mot, en général. La
première mère dit "oui"
au père du mensonge, Marie
répond: nοn. Elle choisit
pour nous Dieu, Dieu totalement, sans l'ombre d'un compromis. Le mystère de la Mère de Dieu
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