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On Line Library of the Church of Greece


T. R. Archipretre E. Kovalevsky

Le mystère de la Mère de Dieu

Institut de Theologie Orthodoxe Saint-Denys

 

ΤREIZIEME LEÇON    

Nous traiterons, aujourd'hui, un sujet que l'οn n'a point l'habitude d'envisager sous cet angle. Ouvrons ensemble, mentalement, les Evangiles et cherchons combien de fois la Toute Sainte y est nommée ''Marie", "Mère", combien de fois "Vierge",  "Femme", et dans quelles circonstances?    

 

"Marie" dans l'Evangile  

"Marie" dans les Evangiles et les Actes des Apôtres (Marie, la Mère de Dieu, bien entendu) est employé dix-neuf fois: cinq chez Matthieu, une chez Marc, douze chez Luc, une dans les Actes et  jamais  chez Jean.  

Ces nombres nous introduisent dans les significatives répétitions de noms qui traversent l'Ecriture Sainte. Ainsi, Matthieu qui parle de l'Incarnation du Verbe -il s'adresse aux Juifs et se plaît à appeler le Christ "Fils de l'homme"- mentionne "Marie" cinq fois: cinq est le symbole de l'homme.  

" Marie", chez Luc, résonne douze fois; c'est l'Evangile de Marie, Marie: la Jérusalem céleste à douze portes.
Parmi ces nominations, deux fois elle est appelée "Marie" en un sens  que  je ne  qualifierai pas de péjoratif,  mais point  nοn plus de sublime; ce sont les passages οù la foule, où les proches du Verbe, s'exclament: "Mais qui est ce Christ qui se permet de dire οu de faire telle chose, n'est-ce point le fils de Marie ? Sa mère s'appelle Marie..." Citons les textes:  

" D'οù lui viennent, disaient-ils, cette sagesse et ces miracles? N'est-ce point là le fils du charpentier? N'a-t-il pas pour mère la nommée Marie, et pour frères Jacques, Joseph, Simon et Jude"  Matt l3/54  

"N'est-ce pas là le charpentier, le fils de Marie, le frère de de Jacques, de Joseph, de Jude et de Simon." (Marc 6/3)  

Si nous excluons ces deux expressions, il nous reste dix-sept "Marie" au sens sublime.  

Le chiffre dix-sept, vous le savez sans doute, est celui des rosaces, neuf fois dix-sept, neuf cercles et dix-sept rayons, 9X17=153 poissons de la deuxième pêche miraculeuse, dans laquelle Saint Augustin discerne 153 grandes civilisations  

capturés par les filets apostoliques. Examinons de plus près les quatre textes de Matthieu (le 5ème a été cité plus haut):
a) "Marie", de qui est né Jésus, nommé Christ (1/16)  

b) "Marie",  sa mère  ...(sa mère, c'est-à-dire: mère de Jésus).

c) "Joseph, fils de David, ne crains point de prendre chez toi Marie, ta fiancée..." (1/20)  

d) Dans Ie deuxième chapitre, cerset 11, nous lisons: "... l'enfant avec Μarie sa mère..." Nous y reviendrons lorsque nous parlerons de "l'enfant", car cette expression apparaît fréquemment chez Matthieu. Il insiste: l'enfant et sa mère, comme si l'icône de la Mère de Dieu et de l'enfant était déjà sous ses yeux; il ne dit pas la Mère et sοn fils, mais le Fils et sa Mère, le Christ est au premier plan: "l'enfant et sa mère". C'est la definition evangélique exacte de l'icône mariale; il ne s'agit nullement d'une maman ayant sοn bébé dans les bras, semblable aux autres mères, nοn, nous sommes en face d' l'Enfant et de Sad Μère.  

De cette  réalité théologique découleront les  gestes  du Christ dans les bras matèrnels: Il caresse et Il la bénit, Il Se serre  contre elle mais elle L'adore en un geste de prière. L'Enfant est conscient, Il est  l'enfant Divin  et Sa Mère.
Saint Marc, lui, ne la nomme qu'une fois: "Marie", et encore, c'est la fοule qui parle (nous avons cite le texte plus haut 6/3).
Saint Luc appelle  la Mère de  Dieu une fois "Vierge Marie",  puis: "Marie, Marie,  Marie Sa Mère'', et  enfin, dans  les  Actes: "Marie, mère  de Jésus". Voici les  textes:
Chapitre 1, dans  le  récit  de l'Annonciation:
" Le  nom de la Vierge  Marie" (v:27)  

" Marie,  tu as  trouvé  grâce auprès de Dieu" (v.30.)
" Marie dit à l'ange " (v,34)  

" Marie dit alors: "je suis la servante du Seigneur"  (v.39)  

Dans le récit de la Visitation:  

"En ces jours-là, Marie partit et se rendit  en hâte vers  le haut pays " (v.39)  

" Dès  qu'Elisabeth eut entendu la salutation de Marie, l' enfant tressaillit dans son sein:'' (v.41)  

" Marie dit alors: ..." (v.46)
"Marie demeura avec Elisabeth" (v.56)
 

La première fois, La Vierge  est  nommée  par  l'évangéliste, la deuxième fois, son nοm sacré est sur les lèvres de l'Archange, les autres fois appartiennent à la narration. A la naissance du Christ, Luc emploie trois fois le nom de Marie:
Chap. 2: "afin de s'y faire inscrire avec Marie, sa fiancée (v.5)
"(les bergers) trouvèrent Marie, Joseph et le Nouveau-Ne" (v.16)  

" Marie conservait avec soin tous ces souvenirs..." (v.19)
Ainsi Marie est indiquée quatre fois dans l'Annonciation, quatre dans la Visitation: le chiffre quatre symbolise la maternité, le huit le monde renouvelé. Saint Luc la nomme trois fois dans la Nativité du Christ et le chiffre trois représente la virginité,  
la naissance sans père.  

La douzième fois, Luc reprend le nom de Marie dans la Sainte Rencontre: "Siméon les bénit et dit à Marie, sa mère...." (2/33. Une remarque s'impose: cependant que les Mages (Matthieu) trouvent Marie et Jésus (en adorant l'enfant, ils vénèrent sa mère...) les bergers (Luc) trouvent la triade: Marie, Joseph et le Nοuveau-Né, mais Marie est avant Joseph; si Joseph était le père, il serait mentionné avant sa femme. Elle est la mère de l'enfant, lui; le témoin de sa virginité... Enfin, Marie est présente dans les Actes (1/14). Son nom est inséparable de l'Eglise de la Pentecôte. Jean, le disciple bien-aimé auquel le Christ sur la croix confie sa mère, ne prononce pas le nom de Marie -de même qu'il remplace volontiers le sien par celui de "disciple que Jésus aimait" -mais lui attribuera un nom inattendu: "Femme!"    

 

"Mère"dans les evangiles  

La toute-sainte est nommée "mère" neuf fois chez Matthieu, deux chez Marc, sept chez Luc et neuf chez Jean; donc, en tout vingt-sept fois dans  les  quatre évangiles.  C'est  le nombre  des livres de la nouvelle alliance; n'est-elle pas, en effet, le livre vivant, le rouleau de chair sur lequel l'Esprit inscrivit le Verbe Incarné.  

Parmi les nominations de Matthieu, la plus caractéristique est "l'enfant et sa mère". Ainsi, l'ange οrdonne à Joseph: "prends l'enfant et sa mère", et il ne dit point: "ton enfant, l'enfa:nt et ton épouse οu ta fiancée," mais "l'enfant et sa mère", l'enfant  

et sa mère sont inséparables, complémentaires; precisons que l'ange ne dit pas nοn plus: "la mère et sοn enfant", il souligne: "l'enfant et sa mère". L'enfant définit la maternité, il est la cause de cette, lui d'abord, elle ensuite. La mère de Dieu -Theotokos- est sous-entendu dans cette expression. Le récit de la fuite en Egypte (chap.2) contient quatre fois "l'enfant et sa mère". Cette nomination sort en premier des lèvres angéliques,'puis, comme un écho, revient dans le texte narratif:  

"Leve-toi, prends avec toi l'enfant et sa mère" (v.13 )
"Il se leva,  prit avec lui l'enfant et sa mère" (v.14)  

Au verset 20, l'ange réapparaît en songe à Joseph, et lui répète:
"Lève-toi, prends avec toi l'enfant et sa mère" et au verset suivant:
"Joseph prit avec lui l'enfant et sa mère".  

Ce quadruple rappel sonne  en cette  péricope  comme une antienne. Mais avant la fuite en Egypte, Matthieu appelle deux fois la Toute-Sainte, "mère". Chap. l/l8: "La naissance  de Jésus-Christ arriva ainsi, alors que Marie,  sa mère..."
Ces  six versets forment un groupe à part. Les autres  gardant l'expression "sa mère", "ta mère",  en un sens ordinaire,  en tant que parente de Jésus. Nous lisons au chap 12 v.46-47:
"Comme Jésus  s'adressait  encore à la foule, ,voici, sa mère et  ses frères,  qui étaient dehors,  cherchèrent  à lui  parler. Quelqu'un lui dit: "voici ta mère et tes frères sont dehors, et ils cherchent à te parler". Jésus.rectifiera ces paroles, afin de témoigner qu'il ne s'agit nullement de parenté naturelle et que, en tant que parents, ils n'ont aucun droit sur lui:
" Mais Jésus  répondit  à celui  qui le lui disait:  "qui  est ma mère et qui sont mes frères? "Puis, étendant la main sur ses disciples il  dit: "voici ma mère  et mes  frères". (v.48-49)  Cette  réponse  est une" allusion transparente à sa  filiation divine. Il est le Fils du Père ("de mon père") céleste et nοn d'un père terrestre, il est né de celle qui accomplit la volonté de sοn Père en acquiescant: "je suis la servante du Seigneur; qu'il me soit fait selon ta parole!" (Luc l/38), Dans une compréhension plus profonde: l'Eglise devient sa mère-autre parente, virginale parenté, divine naissance.  

Dans le chapitre 13 v.55, nous retrouvons le même texte déjà cité: "est-ce  que sa mère n' s'appelle  pas Marie..." et, afin de démontrer que sa  filiation maternelle  est un miracle,  Jésus "ne fit pas de miracle à Nazareth" Il ne  voulait  pas  faire  de miracles devant la foi hérétique de ses compatriotes.  

Le  texte de Marc chap. 3/31-35  est  parallèle a celui de Matthieu ci-dessus (l3). Il ne nous apprend rien de nouveau, sauf dans la réplique  de Jésus οù  "mon Père"  devient ''Dieu".  

Saint Luc en son évangile, se sert sept fois du terme "mère" lorsqu'il parle de la Vierge, sa maternité est oeuvre des sept dons du Saint-Esprit. Parmi ces sept passages les deux derniers ayant trait aux parents de Jésus (8/19-2l)  reproduisent les  deux de Matthieu et de Marc, (bien entendu, les  paroles du Christ  répondant: "qui  est ma mère, qui sont mes  frères?" ne visent  pas la Vierge.) Notons néanmoins  une nuance: Matthieu  (12/50)  parle de la "volonté" de  son "Père",  Marc (3/35 ) de la "volonté de Dieu", Luc de la "parole de Dieu et de sa pise en pratique" (8/2l). Il renforce le mystère de Verbe, de la Parole de Dieu devenue chair par Marie. Deux textes  appartiennent au récit de la Sainte Rencontre:
"son père et sa mère  étaient dans  l'admiration..." ( 2/33 )
"Siméon les bénit et  dit à Marie sa mère... " ( 2/34 )  

Deux dans le récit de l'enfant Jésus au Temple: "et sa mère lui dit: "mon enfant..." (2/48). "Sa mère gardait toutes ces choses dans son coeur "(2/51b). Le passage le plus saisissant est, sans aucun doute, la salutation extatique d'Elisabeth:  

"Elle s'écria à pleine voix...: "comment m'est-il accordé que la mère de mon Seigneur vienne auprès de moi?" (l/43).
"Kirios", "Seigneur", signifie Dieu.  Semblable à Pierre qui, mû par l'Esprit du Père confesse la divinité du Christ, elle proclame; "la mère de mon Seigneur!" et, par sa bouche l'univers, poussé par l'Esprit divin, crie à plein gosier: "Τu es la mère de notre Seigneur, le mère de notre Dieu, notre Reine".  

Cela me remet à l'esprit la lettre conservée dans la bibliothèque vaticane, lettre écrite par Marie, mère de Dieu, à Saint Ignace d'Antioche. Il nous est parvenu des premiers chrètiens deux petites  lettres  de Saint  Ignace à Marie  et un mot  de  la Vierge à Saint Ignace d'Antioche. En soi, cette correspondance ne presente rien de spécial. Ignace prie la Vierge de lui rendre visite dans son eglise, et la Mère de Dieu répond: "je ne sais si je viendrai", mais cette missive renferme une double expression magnifique; Marie parle de "mon Jésus", et de "mon Seigneur". "Mon Jésus", tout le sentiment maternel, "mon enfant, mon Jésus", et suivant aussitôt la révérence sacrée: "mon Seigneur", la mère du Seigneur et sa servante. Ces deux simples mots sont empreints  d'une valeur inestimable.  

"La mère", neuf fois repris par Saint Jean gravite autour de deux événements: le premier miracle du Christ aux "noces de Cana de Galilée", et la crucifixion de notre Seigneur -l'eau, le vin (Cana), le sang  (la Crucifixion),  sont liés au mystère  de l'Eucharistie.
Quatre fois, elle est nommée "mère" à Cana (chap.2) et cinq fois pendant la crucifixion (chap.19); deux fois "la mère de Jésus" (2/l-3), six fois "sa mère" (2/5-12) (l9/25-26) et pour terminer "ta mère"(l9/27). Ainsi, "sa mère", "mère de Jésus", "mère du Seigneur", s'achèvent de par la volonté du Crucifié en "mère de Jean", c'est-a-dire "notre mère".    

 

"Vierge'' dans  les évangiles  

La "Toute Sainte" est nommée trois fois "Vierge" dans les évangiles,  parce qu' elle  est  trois fois Vierge, avant, pendant est après la naissance du Christ. Les icônes traceront trois étoiles sur les habits de la mère de Dieu; sur le front et sur chaque épaule, symbolisant la triple virginité.  

"Voici,  la Vierge  sera  enceinte, elle enfantera un fils,  et οn lui donnera le nοm d'Emmanuel (Matt 1/23). "Au sixième mois, l'ange Gabriel fut envoyé par Dieu dans une ville de Galilée, appelée Nazareth, auprès d'une vierge fiancée à un homme de la maison de David, nοmmé  Joseph. Le nom de la vierge  était  Marie" (Luc  1/26-27) .  

Sa virginale maternité fut prédite par le prophète Isaie, cité par Matthieu. Elle demeura vierge tout en étant "épouse d'un homme de la maison de David, nommé Joseph. Le nom de la vierge était Marie" (Luc). La prophétie démontre que cette virginité mariale était prévue dans le plan de l'economie divine, avant les temps. Elle est Vierge afin que s'accomplissent les Ecritures. Sa virginité, de source divine, est simultanément un choix libre: elle reste vierge tout en étant fiancée à Joseph -synergie, vοlonté divine et volonté humaine. Les évangiles touchent délicatement ce problème, le Proto-évangile de Jacques accentuera la rencontre des deux volontés, leur "coordination".    

 

"Femme" dans les evangiles  

L'evangile de Jean dans les deux récits précités de Cana et de la Crucifixion, met sur les lèvres de Jésus le nom solennel "femme" parallèle à l'homme"  οu Fils de l'homme:
"Femme, que nous importe, mon heure n'est pas venue" ( 2/4 )  

"Femme  voilà ton fils!" (19/26) et, implicitement: "mon heure est venus", maintenant, il nous importe à nous deux, à toi, Femme, et a moi, Fils de l'homme, à nous deux inséparablement, de transformer le monde par ma croix et ta douleur, par ma résurrection et ton assomption.  

Tout le mystère de la "femme", de la féminité est contenu dans ces deux versets johanniques. Le premier miracle est par la "femme", l'accomplissement de tout est par la "femme", Jésus ayant donné à la "femme", le "fils"; les écritures disent ...  "après cela, sachant que désormais tout était accompli..." (l9/28). Le même Jean consacrera dans l'Apocalypse un chapitre (12) à la "Femme revêtue du soleil" (huit fois brille le mot "femme"), et la terre -voire le cosmos, la création- reconnaît en elle son hypostase (2/16). A la femme-Marie, à la coupe eucharistique, s'oppose "la femme enivrée du sang des saints", à la Femme-Vierge-Mère, s'oppose la femme, la grande prostituée, impure et sterile, maus arrêtons notre  exposé...  

"Marie", dix-neuf fois,  

"Mère", vingt-huit fois (évangiles et Actes)
"Vierge", trois fois,  

"Femme", dix fois (Jean et l'Apocalypse.  

Etude subtile et inutile, dira-t-οn? Nous ne le pensons pas. Approches, touches par lesquelles nous pénétrons dans la "mécanique secrète" de notre salut... et, au travers des mots, dans la pensée divine humaine de Celui qui voulut naître de la Vierge-Marie, Lui, Fils sans homme de la femme. 

   

Le mystère de la Mère de Dieu

Table des Matières

 

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