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On Line Library of the Church of Greece


T. R. Archipretre E. Kovalevsky

Le mystère de la Mère de Dieu

Institut de Theologie Orthodoxe Saint-Denys

 

ONZIEME LEÇON  

Nous avons achevé notre cours précédent en faisant remarquer que des instincts pré-rationels et religieux sont inscrits en notre être, et qu'auprès de ces instincts religieux sont -tels que l'immortalité de l'âme et l'existence de Dieu- nous trouvons celui de la vierge-mère divine.
Les religions, les tendances qui effacèrent le "Elle" de leur intérieur mènent en général vers l'incrédulité, vers un spiritualisme rationel οu un moralisme dépourvu de profondeur ontologique.    

 

"signe" du Coran  

J'aimerais, aujourd'hui, considérer la place de la Vierge dans l'Islam et vis à vis de l'Islam. Nous avons parlé des religions antiques mais s'il est un phénomène spécifique, c'est bien celui de l'Islamisme.
Le Coran contient deux célèbres sourates sur la Vierge. Notons d'abord cette première particularité du Coran: il est dicté en grande partie à Mahomet par l'Archange Gabriel.  

Voici la première sourate:  

" O! Marie, Dieu t'annonce Son Verbe, dont le nom est le Messie. Ainsi a parlé ton Seigneur, pour que nous fassions de Lui un signe pour les hommes et une miséricorde ".  

Ces paroles caractéristiques s'adressent à Marie: "Dieu t'annonce Son Verbe, (c'est Gabriel qui parle) dont le nom est le Messie. Ainsi a parlé ton Seigneur, pour que nous fassions de Lui (c'est à dire du Messie, du Verbe ) un signe".  

Cela rappelle éetrangement les paroles d'Isaie:  "Et voici un signe  que Je vous donne, une Vierge enfantera Emmanuel,  Son nom est: Dieu est avec nous".  

Un signe et nοn des signes -tres interessant- dit le Coran et il ajoute: "pour les hommes et une miséricorde".
Dans la deuxième sourate Dieu parle:
" Souviens-toi de celle (Il s'adresse aux croyants) qui a conservé sa virginite et en qui Nous soufflâmes notre Fsprit. Nous la constituâmes avec son Fils un signe pour l'univers".  

(Le pro nom personnel: Nous, n'est pas une allusion à la Trinité mais un terme de souveraineté).  

Je ne ferai pas de commentaire, je désire seulement souligner la virginité-maternité, les allusions au Verbe, au Christ-Homme, à l'universalisme du Christ et, indication caractéristique, à la miséricorde.  Ces textes pourraient être des textes chrétiens; d'autres, analogues, se lisent dans le Coran, οuvrant un horizon, jetant un pont d'or entre l'Islam et nous. Et je dois ajouter -le plus paradoxal- que c'est Marie -nοn encore Jésus- Marie, Mère de Dieu qui est, en vérité, le pont d'or entre l'Islam et le Christianisme.    

 

Notre-Dame de Kazan  

Nous découvrons une multitude de signes historiques autour de la Vierge Marie dans l'Islam. Citons par exemple Notre-Dame de Kazan.  

Kazan est une ville tartare islamique.  En l556, une jeune fille tartare portant le nom de Fatima -plus tard, lorsqu'elle se fut convertie au Christianisme elle reçut le nom  

de Marthe- eut une vision de la Vierge et, au cours de cette vision, une indication de Marie pour chercher son icône.  Οn creusa la terre et l'οn retira la célèbre icône de Notre-Dame de Kazan, profondément enfoncée dans le sol.  Deux copies de cette icône furent exécutées, l'une portée à Saint-Pétersbourg, l'autre à Moscou.  Fait innatendu, la Vierge récemment apparue à une dominicaine de Marseille, en partance pour l'Afrique, lui dit. "Je suis Notre-Dame de Kazan".
Kazan était un lieu ou Mahométans et Chrétiens vivaient réunis autour de "Celle qui conserva sa virginité et en qui Nοus soufflâmes Notre Esprit et que Nous constituâmes avec son Fils un signe pour l'univers ". Cette description coranique était inscrite dans l'église auprès de Notre-Dame de Kazan.  

L'histoire continue. En 1912, cette icône, découverte au XVIème siècle, avait disparu, volée. On fit un procès, οn accusa un soi-disant voleur qui signa un faux et déclara qu'il avait jeté l'icône après l'avoir brisée en morceaux.  Chose étrange, il ne fut même pas jugé mais renvoyé en endroit quelconque.  En réalité, ce sont les Tartares qui volèrent l'icône parceque l'un de leurs prophètes avait annoncé que bientôt s'installerait un regime persécuteur des religions et qu'il fallait préserver Notre-Dame de Kazan. Elle se trouve donc à l'heure actuelle quelque part, entre les mains des Tartares de cette région.    

 

Notre-Dame de Liesse  

Une autre image des rapports de la Vierge avec le monde islamique est le récit de Notre-Dame de Liesse en Picardie. Le bourg s'appelle Liesse, nom de conte de fées, apporté par la légende, auréolé de symbolisme, nom de conte de fies peutêtre, mais plus réel que l'histoire:  

Trois chevaliers chrétiens, trois Croisés, sont faits prisonniers par un sultan égyptien qui, frappé de leur courage, decide de les convertir. Les tortures ayant échoué, les théologiens du Coran s'emploient à les convaincre, sans y parvenir. Pourtant, ces trois beaux chevaliers picards ont séduit le Sultan et ce dernier veut à son tour les séduire. Il adopte alors la suprême methode:  il leur envoie dans la prison sa fille unique, Fatima, escomptant que la grâce, le charme et l'intelligence réussiraient là οù la souffrance et la science avaient été vaincues.  Or, l'opposé se produit. La fille du Sultan s'approche de plus en plus du Christianisme et un jour,  

attirée par la Vierge, elle prie les chevaliers de la lui montrer.  Ils repondent: il nous est impossible de te la montrer mais nous pouvons la sculpter.  Fatima apporte un morceau de bois et dans ce pays iconoclaste elle attend l'image de la Souveraine céleste. Les croisées essayent de la  sculpter, ce sont de braves Picards, des preux aux âmes ardentes point maîtres en sculpture. Sous leurs doigts la Vierge est informe. Navrés, ils prient et s'endorment. Pendant la nuit, un ange, dirigé peutêtre par la Vierge, sculpte alors cette admirable statue de bois noir que l'οn voit dans l'église du village de Liesse.  Au matin, la cellule est pleine de lumière. Fatima arrive et tous quatre décident de prier la Vierge de les libérer. La fille du Sultan ouvre les portes. Ils fuient. La légende précise qu'ils reposent la nuit sous un palmier  les trois chevaliers côte à côte, dans un respectueux éloignement de Fatima. Le Sultan les poursuit. Ils prient si dévotement avant que de s'assoupir, qu'ils s'éveillent le matin en Picardie, tout près du chateau de Madame leur mère.  Dès lors, un charmant petit bourg se construit autour de la Vierge miraculeuse, nommée Notre-Dame de Liesse. Je passe les détails pour arriver à la conclusion: à quelques kilomètres de Laon, l'église de Notre-Dame de Liesse présente un jubé (genre d'iconostase occidental) sur lequel se dressent les statues des trois chevaliers et de Fatima vêtue en sultane.  Cette dernière devint abbesse dans la suite.    

 

Fatima  

Fatima, nom de la jeune-fille tartare de Kazan, nom de la fille du Sultan, est celui de la fille bien-aimée de Mahomet, la seule femme vraiment respectée en Islam, après le Prophète.  

Je vous citerai encore deux cas:  

Le titre ecclésiastique Metropolite de Kroutitsky, est en Russie le plus grand après celui de Patriarche. Or, la ville de Kroutitsky n'existe pas en Russie; c'était la ville οù siégeaient Gengis Khan et les grands chefs tartares, les Khan de cet immense empire islamique, plus vaste que l'empire romain, s'étendant de l'Europe jusqu'à la Chine et les Indes. Les évêques se rendaient à Kroutitsky pour plaider la cause de l' Eglise, et le représentant du Métropolite do Moscou, y demeurant et y faisant fonction de légat, portait le titre de Metropolite de Kroutitsky, c'est à dire le nom d'un camp militaire musulman.  

Autre exemple: au XVème siècle nous voyons souvent des croix russes placées sur une demi-lune, union des symboles du croissant et de la croix, la croix couronnant le croissant.  

Nous terminerons enfin par Notre-Dame de Fatima: la Souveraine des cieux choisit d'apparaître en ce petit village inconnu du Portugal, portant lui aussi le nom de Fatima.  Elle souligna ainsi, une fois di plus, un nom islamique vestige des invasions arabes.    

 

Ismaël et Isaac  

Saint Paul dans son epître aux Galates, chapitre IV, écrit: "Abraham eut deux fils, l'un de la servante, l'autre de la femme libre.  Celui de la servante est né selon la chair.  Celui de la femme libre en vertu de la promesse.  Il y a une allégorie ... "et l'Apôtre parle des deux alliances, l'ancienne et la nouvelle. Je vois un autre aspect de l'allégorie, moins absolu mais nοn moindre pour la destinée des peuples, l'allégorie d'Isaac, fils de la femme libre, et d'Ismaël, fils de la servante.  Cependant que le peuple hébreu est un peuple libre par excellence, peuple de Dieu -la royauté même est pour lui un enchaînement- le peuple d'Ismaël gardera le sceau de la servitude, malgré les pages éclatantes de son histoire, il sera dominé οu dominera les autres par l'épée.  Un père, le Père des croyants, Abraham; deux mères, deux traditions. Paul ajoutera. "Les enfants de la chair persécuteront les enfants de l'esprit. Il en est encore ainsi maintenant".  En effet, Ismaël persécute l'ancienne et la nouvelle Alliance, les Juifs et les Chrétiens.  

Marie est la femme libre et elle est la servante.  Servante de Dieu comme mère, libre comme immaculée. Pont d'or entre Sarah et Agar.    

 

La Coupe et le mariage mystique  

D'autres parallélismes antinomiques peuvent être discernés.
Le centre du Christianisme est le Sang du Christ, exprimé par le vin, religion du Sang et du vin. Le Christianisme, généreux de son sang -le sang des martyrs- est, par contre, très sévère vis à vis de tout acte charnel, son idéal est la chasteté et la virginité ... L'Islam, au contraire, interdit le vin; symbole du Sang de l'Agneau et exige l'abstinence totale d'alcool.  Sa religion n'est aucunement une religion de martyrs. Le Musulman verse le sang de l'infidèle, au nom d'Allah et, d'autre part, accorde une  grande liberté à la sexualité. Son paradis s'enveloppe de formes voluptueuses. Si nous consultons les écrits des mystiques chrétiens et ceux des musulmans, nous verrons les Chrétiens se servir à l'opposé du langage de l'amour: amour, époux, épouse, mariage mystique et les Musulmans, eux, parler de "l'ennivrement de Dieu", à tel point qu'un psychanaliste pourrait hâtivement en conclure  que  leur Dieu est le complément de ce qui leur manque sur terre.  Voyez- vous le piège? (Le Soufisme est une exception dans l'Islam, de par son origine complexe).  
 

 

Marie, Apôtre de l'Islam  

D'une part, polygamie, d'autre part, monogamie ...  il y aurait beaucoup  de  choses à dire, mais il me faut  abréger. Il est un fait: la femme en Islam est mal traitée, la religion de Mahomet ne lui attribue pas une place égale à celle de l'homme. Et voici, malgré cela, le Musulman respecte étrangement, profondément la Vierge: Ce respect de la Toute Pure, ne serait-ce point un sentiment de "manque" que l'Islam recélerait, consciemment οu inconsciemment?  

Que représente la place éminente, royale, donnée par la religion chrétienne à la Vierge-Mère?  

Il existe une catégorie de Noms divins, de Vertus maternelles-divines, dans le sens le plus authentique: "miséricorde" -les entrailles de miséricorde- "grâce" -la grâce, notre mère-. Le Christianisme est la religion de la "charité". Toutes ces vertus communiquent à l'Eglise chrétienne une tonalité puissante, tellement plus accentuée que dans les autres religions, particulièrement celle de l'Islam; elles sont des nuages transparents qui auréolent Marie: maternité, virginité.  

Mystérieusement, au-delà de toute logique, ce n'est que par Marie seule et la conversion de quelques femmes que l'Islam trouvera l'union avec la Chrétienté. Un connaisseur de l'Islamisme me disait que si le Père de Foucauld avait, à son avis, semé  sans succés l'Evangile parmi les Mahométans,  c'est parce que l'homme ne pouvait réussir en ce pays et qu'un mouvement féminin était necessaire ... Certes, nοn du point de vue émancipation de la femme, bien que cela entre aussi en jeu, mais d'un point de vue mystérieux et difficilement définissable.  

Ce sera une femme venue du Christianisme qui, au sein de l'Islam, arrêtera ce conflit, conflit qui dure depuis Mahomet, qui a fait couler tant de sang et engendré tant de haine.  De l'arrêt de ce conflit, sortira divinement l'arrêt du conflit fraternel entre Isaac et Ismaël.

   

Le mystère de la Mère de Dieu

Table des Matières

 

 

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