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T. R. Archipretre E. Kovalevsky Le mystère de la Mère de Dieu Institut de Theologie Orthodoxe Saint-Denys
ONZIEME
LEÇON Nous
avons achevé notre cours précédent en faisant remarquer que des
instincts pré-rationels et religieux sont inscrits en notre être, et
qu'auprès de ces instincts religieux sont -tels que l'immortalité de l'âme
et l'existence de Dieu- nous trouvons celui de la vierge-mère divine. "signe"
du Coran J'aimerais,
aujourd'hui, considérer la place de la Vierge dans l'Islam et vis à vis
de l'Islam. Nous avons parlé des religions antiques mais s'il est un phénomène
spécifique, c'est bien celui de l'Islamisme. Voici
la première sourate: "
O! Marie, Dieu t'annonce Son
Verbe, dont le nom est le Messie. Ainsi a parlé ton Seigneur, pour que
nous fassions de Lui un signe pour les hommes et une miséricorde ".
Ces
paroles caractéristiques s'adressent à Marie: "Dieu t'annonce Son
Verbe, (c'est Gabriel qui parle) dont le nom est le Messie. Ainsi a parlé
ton Seigneur, pour que nous fassions de Lui (c'est à dire du Messie, du
Verbe ) un signe". Cela
rappelle éetrangement les paroles d'Isaie:
"Et voici un signe que
Je vous donne, une Vierge enfantera Emmanuel,
Son nom est: Dieu est avec nous". Un
signe et nοn des signes -tres interessant- dit le Coran et il ajoute:
"pour les hommes et une miséricorde". (Le
pro nom personnel: Nous, n'est pas une allusion à la Trinité mais un
terme de souveraineté). Je
ne ferai pas de commentaire, je désire seulement souligner la virginité-maternité,
les allusions au Verbe, au Christ-Homme, à l'universalisme du Christ et,
indication caractéristique, à la miséricorde.
Ces textes pourraient être des textes chrétiens; d'autres,
analogues, se lisent dans le Coran, οuvrant un horizon, jetant un pont
d'or entre l'Islam et nous. Et je dois ajouter -le plus paradoxal- que
c'est Marie -nοn encore Jésus- Marie, Mère de Dieu qui est, en vérité,
le pont d'or entre l'Islam et le Christianisme. Notre-Dame
de Kazan Nous
découvrons une multitude de signes historiques autour de la Vierge Marie
dans l'Islam. Citons par exemple Notre-Dame de Kazan. Kazan
est une ville tartare islamique. En
l556, une jeune fille tartare portant le nom de Fatima -plus tard,
lorsqu'elle se fut convertie au Christianisme elle reçut le nom de
Marthe- eut une vision de la Vierge et, au cours de cette vision, une
indication de Marie pour chercher son icône.
Οn creusa la terre et l'οn retira la célèbre icône de
Notre-Dame de Kazan, profondément enfoncée dans le sol.
Deux copies de cette icône furent exécutées, l'une portée à
Saint-Pétersbourg, l'autre à
Moscou. Fait innatendu, la
Vierge récemment apparue à une dominicaine de Marseille, en partance
pour l'Afrique, lui dit. "Je suis Notre-Dame de Kazan". L'histoire
continue. En 1912, cette icône, découverte au XVIème siècle, avait
disparu, volée. On fit un procès, οn accusa un soi-disant voleur qui
signa un faux et déclara qu'il avait jeté l'icône après l'avoir brisée
en morceaux. Chose étrange,
il ne fut même pas jugé mais renvoyé en endroit quelconque.
En réalité, ce sont les Tartares qui volèrent l'icône parceque
l'un de leurs prophètes avait annoncé que bientôt s'installerait un
regime persécuteur des religions et qu'il fallait préserver Notre-Dame
de Kazan. Elle se trouve donc à l'heure actuelle quelque part, entre les
mains des Tartares de cette région. Notre-Dame
de Liesse Une
autre image des rapports de la Vierge avec le monde islamique est le récit
de Notre-Dame de Liesse en Picardie. Le bourg s'appelle Liesse, nom de
conte de fées, apporté par la légende, auréolé de symbolisme, nom de
conte de fies peutêtre, mais plus réel que l'histoire: Trois
chevaliers chrétiens, trois Croisés, sont faits prisonniers par un
sultan égyptien qui, frappé de leur courage, decide de les convertir.
Les tortures ayant échoué, les théologiens du Coran s'emploient à les
convaincre, sans y parvenir. Pourtant, ces trois beaux chevaliers picards
ont séduit le Sultan et ce dernier veut à son tour les séduire. Il
adopte alors la suprême methode: il
leur envoie dans la prison sa fille unique, Fatima, escomptant que la grâce,
le charme et l'intelligence réussiraient là οù la souffrance et la
science avaient été vaincues. Or,
l'opposé se produit. La fille du Sultan s'approche de plus en plus du
Christianisme et un jour, attirée
par la Vierge, elle prie les chevaliers de la lui montrer.
Ils repondent: il nous est impossible de te la montrer mais nous
pouvons la sculpter. Fatima
apporte un morceau de bois et dans ce pays iconoclaste elle attend l'image
de la Souveraine céleste. Les croisées essayent de la
sculpter, ce sont de braves Picards, des preux aux âmes ardentes
point maîtres en sculpture. Sous leurs doigts la Vierge est informe. Navrés,
ils prient et s'endorment. Pendant la nuit, un ange, dirigé peutêtre par
la Vierge, sculpte alors cette admirable statue de bois noir que l'οn
voit dans l'église du village de Liesse.
Au matin, la cellule est pleine de lumière. Fatima arrive et tous
quatre décident de prier la Vierge de les libérer. La fille du Sultan
ouvre les portes. Ils fuient. La légende précise qu'ils reposent la nuit
sous un palmier les trois
chevaliers côte à côte, dans un respectueux éloignement de Fatima. Le
Sultan les poursuit. Ils prient si dévotement avant que de s'assoupir,
qu'ils s'éveillent le matin en Picardie, tout près du chateau de Madame
leur mère. Dès lors, un
charmant petit bourg se construit autour de la Vierge miraculeuse, nommée
Notre-Dame de Liesse. Je passe les détails pour arriver à la conclusion:
à quelques kilomètres de Laon, l'église de Notre-Dame de Liesse présente
un jubé (genre d'iconostase occidental) sur lequel se dressent les
statues des trois chevaliers et de Fatima vêtue en sultane.
Cette dernière devint abbesse dans la suite. Fatima
Fatima,
nom de la jeune-fille tartare de Kazan, nom de la fille du Sultan, est
celui de la fille bien-aimée de Mahomet, la seule femme vraiment respectée
en Islam, après le Prophète. Je
vous citerai encore deux cas: Le
titre ecclésiastique Metropolite de Kroutitsky, est en Russie le plus
grand après celui de Patriarche. Or, la ville de Kroutitsky n'existe pas
en Russie; c'était la ville οù siégeaient Gengis Khan et les grands
chefs tartares, les Khan de cet immense empire islamique, plus vaste que
l'empire romain, s'étendant de l'Europe jusqu'à la Chine et les Indes.
Les évêques se rendaient à Kroutitsky pour plaider la cause de l'
Eglise, et le représentant du Métropolite do Moscou, y demeurant et y
faisant fonction de légat, portait le titre de Metropolite de Kroutitsky,
c'est à dire le nom d'un camp militaire musulman. Autre
exemple: au XVème siècle nous voyons souvent des croix russes placées
sur une demi-lune, union des symboles du croissant et de la croix, la
croix couronnant le croissant. Nous
terminerons enfin par Notre-Dame de Fatima: la Souveraine des cieux
choisit d'apparaître en ce petit village inconnu du Portugal, portant lui
aussi le nom de Fatima. Elle
souligna ainsi, une fois di plus, un nom islamique vestige des invasions
arabes. Ismaël
et Isaac Saint
Paul dans son epître aux Galates, chapitre IV, écrit: "Abraham eut
deux fils, l'un de la servante, l'autre de la femme libre.
Celui de la servante est né selon la chair.
Celui de la femme libre en vertu de la promesse.
Il y a une allégorie ... "et l'Apôtre parle des deux
alliances, l'ancienne et la nouvelle. Je vois un autre aspect de l'allégorie,
moins absolu mais nοn moindre pour la destinée des peuples, l'allégorie
d'Isaac, fils de la femme libre, et d'Ismaël, fils de la servante.
Cependant que le peuple hébreu est un peuple libre par excellence,
peuple de Dieu -la royauté même est pour lui un enchaînement- le peuple
d'Ismaël gardera le sceau de la servitude, malgré les pages éclatantes
de son histoire, il sera dominé οu dominera les autres par l'épée.
Un père, le Père des croyants, Abraham; deux mères, deux
traditions. Paul ajoutera. "Les enfants de la chair persécuteront
les enfants de l'esprit. Il en est encore ainsi maintenant".
En effet, Ismaël persécute l'ancienne et la nouvelle Alliance,
les Juifs et les Chrétiens. Marie
est la femme libre et elle est la servante.
Servante de Dieu comme mère, libre comme immaculée. Pont d'or
entre Sarah et Agar. La
Coupe et le mariage mystique
D'autres
parallélismes antinomiques peuvent être discernés. Marie,
Apôtre de l'Islam D'une
part, polygamie, d'autre part, monogamie ...
il y aurait beaucoup de
choses à dire, mais il me faut
abréger. Il est un fait: la femme en Islam est mal traitée, la
religion de Mahomet ne lui attribue pas une place égale à celle de
l'homme. Et voici, malgré cela, le Musulman respecte étrangement,
profondément la Vierge: Ce respect de la Toute Pure, ne serait-ce point
un sentiment de "manque" que l'Islam recélerait, consciemment
οu inconsciemment? Que
représente la place éminente, royale, donnée par la religion chrétienne
à la Vierge-Mère? Il
existe une catégorie de Noms divins, de Vertus maternelles-divines, dans
le sens le plus authentique: "miséricorde" -les entrailles de
miséricorde- "grâce" -la grâce, notre mère-. Le
Christianisme est la religion de la "charité". Toutes ces
vertus communiquent à l'Eglise chrétienne une tonalité puissante,
tellement plus accentuée que dans les autres religions, particulièrement
celle de l'Islam; elles sont des nuages transparents qui auréolent Marie:
maternité, virginité. Mystérieusement,
au-delà de toute logique, ce n'est que par Marie seule et la conversion
de quelques femmes que l'Islam trouvera l'union avec la Chrétienté. Un
connaisseur de l'Islamisme me disait que si le Père de Foucauld avait, à
son avis, semé sans succés
l'Evangile parmi les Mahométans, c'est
parce que l'homme ne pouvait réussir en ce pays et qu'un mouvement féminin
était necessaire ... Certes, nοn du point de vue émancipation de la
femme, bien que cela entre aussi en jeu, mais d'un point de vue mystérieux
et difficilement définissable. Ce
sera une femme venue du Christianisme qui, au sein de l'Islam, arrêtera
ce conflit, conflit qui dure depuis Mahomet, qui a fait couler tant de
sang et engendré tant de haine. De
l'arrêt de ce conflit, sortira divinement l'arrêt du conflit fraternel
entre Isaac et Ismaël. Le mystère de la Mère de Dieu
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