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T. R. Archipretre E. Kovalevsky Le mystère de la Mère de Dieu Institut de Theologie Orthodoxe Saint-Denys
PREMIÈRE
LEÇON Ciel
étincelant d'étoiles. Les
problèmes théologiques et dogmatiques créent en nous diverses réactions.
Lorsque nous approchons notre regard interieur de la Divine Trinité,
-pardonneL ces images imparfaites-, il nous semble marcher en pleine lumière;
l'Image de Dieu nous communique l'impression de trouver, comme écrit l'apôtre
Pierre, "l'étoile du matin", le foyer, le feu, la flamme,
tandis que lorsqu'à la suite...de l'Incarnation, la Résurrection et
l'Ascension nous pénétrons dans l'économie de notre salut, nous découvrons
les profondeurs de la nature et devenons comparables à des pélerins dont
le chemin, au travers de cavernes successives et de collines, se déroulerait
vers les sommets des montagnes. Je
ne dirai certes pas que la mariologie est enveloppée d'un climat lunaire
οù se percevraient des ombres et des craintes nocturnes, mais elle offre
à notre contemplation un ciel étincelant d'étoiles.
La Vierge est resplendissante dans ses apparitions, rayonnante de
lumière; néanmoins le bleu et l'argent prédominent sur l'or.
Sans aller jusqu'à l'opposition: soleil-lune, reconnaissons que la
mariologie revêt une couleur particulière. qui
est Marie?
Qui
est Marie? nοn seulement en
tant que personnalité historique que personne intimement liée a Eve,
mere des vivants dont nous heritames la mort.
J'insiste : intimement liée; Eve-Marie-Eglise nous transporte dans
le domaine de la maternité, de la Femme unique, avec un grand F, la
virginité-féminité. Et
soudain, mis à part la piété et le dogme sublime de la naissance du
Christ -que nous étudierons ultérieurement- nous abordons de plein pied
un sol nouveau. J'ai
déjà traité, ici, dans cet Institut, de la Trinité, du Saint-Esprit,
du dogme de Chalcédoine; je me risque, cette année, à m'aventurer en
votre compagnie dans le mystère de Marie et le mystére de la Femme:
Je parlerai peu d'Eve et de l'Eglise, je m'arrêterai sur Marie,
bien que Eve et Marie soient unies au point que l'οn ne peut comprendre
la Vierge si οn ne connaît point notre première mère dont elle est la
céleste réplique. Et peut-οn
comprendre Marie sans comprendre l'Eglise? Tout ce qui est dit de Marie
s'applique à l'Eglise et, derrière Marie et l'Eglise,
se profile cette chose mystérieuse, cette sagesse dansant et se réjouissant
devant le Créateur dès la naissance du monde, cette "sophia",
"sapientia" à laquelle l'Ancien Testament accorde une place éminente.
Combien c'est étrange: l'évangile ne contient guère de passages sur
Marie, nous les examinerons car ils sont significatifs, mais ils sont peu
nombreux, le Credo a un mot, en passant: "né du Saint-Esprit et de
Marie", les Actes des Apôtres: "la Mère de Jésus, Marie, était
là" et c'est tout. Et
pourtant! L'étoffe vivante de l'Eglise traditionnelle, aussi bien
catholique orthodoxe que catholique romaine est tissée de Marie";
nous la rencontrons à chaque pas. Les
perles semées dans le coeur. J'ai
revu la liste d'icônes et de statues miraculeuses de la Vierge.
Elles s'échelonnent des premiers siècles au XXème.
En Russie: huit cents lieux de pèlerinages marials; en France, en
Espagne, en Allemagne, en Italie... οù est l'Eglise, là est la Vierge,
le culte de la Vierge. Les protestants ont dû faire un effort immense
pour l'écarter, au nom des Ecritures et, l'ayant élοignée -ceci est
caractéristique- ont perdu la vision mystique de l'Eglise, ils sont
devenus des chrétiens par groupes οu personnes isolées, en face de
Dieu. Auprès
d'une multitude de noms de lieux: Laghet, Lourdes, Chartres, Pontmain, le
Puy, etc., apparaît une multitude de qualificatifs; en Russie: "Les
Entrailles bienheureuses","Notre Dame du ciel, pleine de Grâce!',
"Notre-Dame des fleurs aromatiques", "Notre-Dame de
jubilation universelle",
"Notre-Dame, Rappel
des perdus", "Notre-Dame, Donatrice des eaux célestes",
"Notre.-Dame, Joie des affligés", "Notre-Dame de Dignité",
"Notre-Dame de Triple Tendresse", "Notre-Dame,
Source d'huile sainte", "Notre-Dame, Donatrice de vie",
"Notre-Dame, Vie heureuse"; "Notre-Dame, Vierge-Mère",
"Notre-Dame, Nourricière", "Notre-Dame, Oeil
vigilant", "Notre-Dame, Buisson ardent", "Notre-Dame,
nοn façonnée par la Des
noms analogues illuminent la France: "Notre-Dame de Grâce",
"de Miséricorde, du Bοn Secours, de Liesse, de la Garde, de
Consolation des affligés, etc.". Les litanies de la Vierge sont
un ruissellement de noms d' amour: Tour d' ivoire,
Rose mystique, Vase
d'honneur, Maison d'or; Porte
du ciel; Etoile du matin, Refuge
des pécheurs, Reine des anges, des patriarches, des confesseurs, de tοus
les saints, etc.
Il en est de même dans les litanies
(acathistos) orientales. D'οù provient cette nécessité dans
l'Eglise ce prononcer mille et mille fois le Nom de la Mère de Dieu; de
semer ces perles dans l'espace du coeur?
Qu'est-ce qui suscite ces rapports entre nous et cette Mère à
laquelle Dieu confia l'humanité, Mère et Vierge?
symboles
plus que dogmes
Il
y a deux οu trois ans, Pie XII, en un élan de piété, proclama le dogme
del'Assomption de la Vierge Marie. L'Eglise a toujours cru en
l'Assomption; au IIIème siècle, nous trouvons déjà des textes parlant
de ce fait. Au IVème, la fête
de l'Assomption se propage dans plusieurs Eglises et au Vème, elle couvre
l'univers. Le dogme promulgué par Pie XII n'a donc en rien contredit la
tradition sacrée de l'Eglise. Néanmoins, la conscience orthodoxe se
demande: pourquoi en avoir fait un dogme? Les rapports qui nous attachent
à la Vierge ne sont-ils point différents de ceux qui existent entre le
Christ et nous, par exemple: les deux natures, base de notre salut? La
Vierge suscite plus un langage symbolique que des définitions abstraites:
Prenons la littérature pratistique des premiers siècles: les
faits, les images bibliques sont pris comme des signes, des symboles prophétiques
de Marie: l'échelle de Jacob par laquelle le Christ est descendu, le
Paradis οù habite
le Verbe, le Buisson qui brûle
sans se
consumer, la Porte: fermée du temple d'ELéchiel, les passages
s'ajoutent aux passages. ContempleL
cette innombrable assemblée de signes, d'images, de symboles autour de
cet être mystérieux: la
femme. Mystérieux! car, nous sommes devant un être qui; d'une part, est
divin et, d'autre part, habité par la profondeur de la création
primordiale. Le
vide résonne le Verbe
La
maternité renferme "quelque chose"
qui vient d'en bas, de la terre,
de la matière pour se sublimer,
s'ouvrir, s'alimenter,
marcher à la rencontre de la
Grâce sembleble à un calice
recevant la vie. Ce "quelque chose",
chante le cantique de l'Eglise,
monte plus haut que les Chérubins,
incomparablement supérieur aux Séraphins.
La Femme en sa
profondeur métaphysique est, en
vérité,, la jonction de Dieu avec rien, mais un rien qui par obéissance
à la volonté de Dieu, Lui répond;
ou plutôt un vide qui réclame,
résonne à la Parole.
L'Epouse
bien-aimée de Dieu Il
est significatif de noter que dans l'amour l'homme contemple la beauté et
la femme recherche la parole. Une épouse est mécontente si son mari ne
lui redit pas: je t'aime, il lui paraît devenir indifférent -même la
laideur lui 9importe peu si la parole est douce- l'époux, par contre, est
attiré par le regard. Cet monde fut; Il a tout créé par Son Verbe et
rien n'a été fait sans Lui, mais lorsqu'il eût créé le monde,
"Dieu vit" qu'il était beau. L'être appelé du néant, l'être
qui s'éveille veut entendre Dieu. Marie écoutait et conservait dans son
coeur, Marie était obéissante: elle écoutait et guettait le Verbe Pré-Eternel. Si
nous menons plus avant notre investigation du mystère marial, de
ce qu'il exprime, manifeste,
nous verrons qu'avec l'éclosion de l'univers, pris du néant, naît
simultanément l'aspiration pure et féconde d'engendrer Dieu, de contenir
en ses entrailles le Verbe par l'Esprit, de lui donner une naissance
conforme à la création: naissance de Dieu en nous.
La Sagesse, aux premiers jours du monde, dansa de joie divine
devant les créatures car elle savait que leur beauté n'était pas destinée
à demeurer telle quelle mais à s'entrouvrir comme une fleur engendrant
Dieu-homme et réalisant le
puissant mystère de la "Mère
de Dieu". Je
le répète: nous ne pouvons contempler les vérités révélé (la Trinité,
le Fils de l'homme et Fils de Dieu) de
même manière que nous le ferions du mystère marial, car la Mère de
Dieu, sa maternité unie à sa virginité: "Mère
intacte et Vierge
féconde" selon les textes gallicans des Vème et Vème siècles,
appartient à notre nature, nous y participons.
Nous ne le regardons pas du dehors, Marie est os de nos os, chair
de notre chair! Derière nοtre
humanité est la Pure, est la Choisie. Cependant elle nous dépasse
inimaginablenent; nos imperfections, nos cheminements; nos impuretés
font obstacle à une
vision totale de la Mère créatrice et Vierge intègre, bien que nous
pressentions en Elle la pensée intime de Dieu envers Sa créature. Vous
connaisseL certainement
cette image biblique οù
Dieu veut se placer vis-à-vis de Son oeuvre
comme un épοux devant son
épouse. Cette image s'applique exactement à l'Eglise, à Israël et à
la Vierge. Un peintre exécutant
un tableau la rappelle -très inférieurement- un peintre qui ne se
contenterait pas de regarder et d'aimer son oeuvre reflétant son talent
οu son génie, mais qui désirerait que cette oeuvre d'art, fabriquée
par ses mains -et voici le bouleversant mystère- devienne sa Bien-Aimée,
lui réponde d'égal à égal et se transforme
jusqu'à dialoguer avec lui. Dieu,
nous révèle la Bible, à façonné le monde comme un pοtier,
puis Il a pris cet οbjet, l'a
animé, dirigé afin qu'il
soit susceptible d'être Son égal et de lui parler de personne à
Personne. De cette révélation,
sont issues la libération et la déification du monde. Voici pour
l'épouse. finalité
du monde: la maternité
divine. Le
mystère de Marie, Mére de Dieu,
s'enfonce plus loin:
Dieu, comme un potier, a modelé un objet nοn seulenent en vue
d'en faire un être vivant capable de dire: "je t'aime" ou:
"je ne t'aime pas", mais Il l'a modelé avec la volonté que
cette créature Le portât
dans ses entrailles. RéaliseL-vous
l'inattendu de cette perspective! de ce mystére inconcevable de Marie, la
Femme, la création, οu plutôt de la Pensée divine Se plongeant en Sa
créature?
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Le mystère de la Mère de Dieu
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