R.P. Boris Bobrinskoy
Bref Apercu de la Querelle des Images
1. Le culte des images avant la querelle
Dès les premiers siècles, les chretiens représentaient graphiquement divers thèmes du mystère de notre salut. L'art des catacombes a un caractère symbolique οu «signitif» (Weidlé) décrivant l'expérience sacramentelle de l'Initiation chrétienne et de la Rédemption comme par exemple le Βοn Pasteur, la colombe, le Poisson, la vigne, la lyre, 1'ancre l'arche, le navire et surtout la croix. Les chrétiens sont appelés les «adorateurs de la croix» (Tertullien).
A la veille de la periode constantinienne, le Concile d'Elvire (300), dans son 36e canοn, condamne énergiquement l'emploi des images dans les églises, probablement pour ne pas provoquer les railleries et les outrages des païens, là οù les locaux de culte n'étaient pas en sûreté durant les persécutions.
Dès le triomphe du christianisme sous Constantin, se développe la coutume de représenter le Christ et les saints et de placer ces images dans les églises. Déja S.Basile de Césarée, dans son panégyrique du martyr Barlaam, exhortait les peintres chrétiens à glorifier par leurs œuvres ce grand saint:
«Venez à mon aide, peintres fameux des exploits héroïques. Rehaussez par votre art l'image imparfaite de ce stratège; faites briller avec les couleurs de la peinture l'athlète victorieux que j'ai représenté avec trop peu d'éclat; je voudrais être vaincu par vous dans le tableau de la vaillance du martyr: je me réjouirais d'être aujourd'hui surpassé par votre talent. Montrez- nous le lutteur brillamment en votre image; montrez-nous les démons poussant des hurlements, car ils sont aujourd'hui, grâce à vous, abattus par les victoires des martyrs; faites-leur voir encore cette main ardente et victorieuse. Et représentez aussi sur votre tableau Celui qui préside aux combats et donne la victoire, le Christ» (1).
Une autre parole de S. Basile eut une fortune particulière et devint l'un des arguments traditionnels les plus décisifs pour les défenseurs des images sacrées: «L'honneur rendu à l'image passe à celui que l'image représente»(2).
De même, S.Grégoire le Grand invitait Sérénus, évêque de Marseille, à remettre dans les églises les icones qu'il avait fait enlever:
« Ce n'est pas sans raison que l'antiquité a permis de peindre dans les églises la vie des saints. Εn défendant d'adorer ces images, vous méritez l'éloge ; en les brisant, vous êtes dignes de blâme. Autre chose est d'adorer une image, autre chose d'apprendre par le moyen de l'image à qui doivent aller nos adorations. Οr ce que l'Ecriture est pour ceux qui savent lire, l'image l'est pour les illettrés... » (3).
Nous voyons donc que la défiance envers les images et la crainte de l'idolâtrie est encore fréquente. Eusèbe de Césarée traite de coutume paienne le fait d'avoir des images portatives du Christ οu des apôtres (4).
Au VIe siècle, le culte des images est attesté par de nombreux monuments et témoignages d'écrivains ecclésiastiques. Ainsi Léonce, évêque de Néapolis à Chypre écrivait:
« Je représente le Christ et sa passion dans les églises et les maisons et sur les places publiques, et sur les images, sur la toile, dans les celliers, sur les vêtements, en tout lieu, pour qu'en les voyant, nous nous souvenions... Car nous autres, les chrétiens, possédant des images du Christ, c'est le Christ que nous baisons intérieurement et ses martyrs... Celui qui craint Dieu honore par conséquent et vénère et adore comme Fils de Dieu le Christ notre Dieu, et la représentation de sa croix et les images de ses saints»(5).
Le Concile Quinisexte in Trullo (692) déclare les images vénérables, mais prescrit de ne plus représenter Jésus-Christ sous 1a forme d'un agneau:
« ...Nous décrétons de représenter désormais sur les images le Christ notre Dieu dans sa figure humaine (et nοn plus sous la fιgure d'un agneau) afin de considérer par cette représentation la hauteur de l'humiliation du Verbe de Dieu et de se rappeler sa vie dans la chair, sa passion, sa mort salvatrice et la Rédemption de tout l'univers qui en est résultée» (Canon 82).
Souvent hélas, le culte des images se mêle de superstitions et d'abus qui expliqueront en partie la réaction iconoclaste:
« Beaucoup pensent, dit Anastase le Sinaïte, que le baptême est suffisamment honoré par ceux qui entrent dans une église, baisant toutes les icones, sans prêter attention à la liturgie et au service divin».
Une lettre adressée en 824 par l'empereur Michel le Bègue à Louis le Débonnaire fait état de nombreux abus dans Ιa piété populaire remontant à une époqιιe plus ancienne:
« ...Ils choisissent les images de saints pour servir de parrains à leurs enfants... Quelques prêtres ont pris l'habitude de râcler la couleur des images, mêlant cette poussière aux hosties et au vin et distribuent le mélange aux fidèles après la messe. D'autres placent le corps du Seigneur dans les mains des images οù ceux qui communient viennent le recevoir» (6).
NOTES
1. Oratio in S.Barlaam P.G. XXXI, col. 488-489.
2. De Spiritu Sancto, XVIII 45, P.G. 32, cοl. 149 C.
3. S. Gregoire, Epist. 1. 9 ιpist. ΙX P.L. LXXVII cοl. 949.
4. Εusθbe Hist.eccl. 1. VIl c. XVIII, P.G. col. 680.
5. Citι au 2nd Concile de Nicιe, P.G. XCVIII, cοl. 1600.
6. Mansi, Conc. ampliss coll., t. XIV, p. 240.
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