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Boris Bobriskoy

Le Message de l'Orthodoxie en Cette Fin de Millenaire

SOP 207, Avril 1996, pp. 32-37


Discerner l' essentiel et le secondaire

En conclusion, je dirais que pour cerner le message de l'orthodoxie, il faut d' abord discerner dans sa tradition l'essentiel et le secondaire. L' essentiel, c'est le message du Christ, le message de l' incarnation et de la Résurrection. Incarnation incessante au sein de cultures et d' époques variées, dans un véritable acte sacramentel que j'appellerai le "baptême" de ces cultures. Un historien de l'art russe parlait de l' icône comme du "baptême de l' art" ; on peut parler de la théologie comme du "baptême de l' intelligence". Mais qui dit baptême dit d'abord mort du vieil homme, mort de l' intelligence orgueilleuse et autonome, de sa prétention à cerner, à posséder et à dispenser le mystère et la grâce de l' Esprit en axiomes et en postulats géométriques. Résurrection, car à travers ce processus baptismal de mort du vieil homme, notre intelligence, la plus personnelle et la plus ecclésiale, devient enfin capax Dei, devient porteuse du Verbe qui a assumé notre humanité et notre langage.

Pour cerner le message de l'orthodoxie, il faut faire une double démarche. D'abord un décapage pour atteindre l' essence de l' orthodoxie, de la foi, de l'Eglise, du christianisme. C' est le mystère trinitaire de salut, de la réconciliation de l'homme avec Dieu, son Créateur, de plénitude de salut comme divinisation. L' Eglise, dans sa transparence et dans la mesure de sa transparence, appartient à l' essence même du salut, non pour elle-même mais comme le lieu nécessaire de la vie en Christ. Eglise sainte, certes, mais Eglise sous le jugement de Dieu, comme le rappelle la lecture de la lettre à l' Eglise de Laodicée dans l'Apocalypse.

A partir de l' essentiel, c'est-à-dire du message de salut annoncé et communiqué aux hommes, l' Eglise nous parle dans toute la richesse et la sagesse de la Tradition chrétienne. Les dogmes, comme je le disais, sont les garde-fous contre les hérésies, contre les tentations permanentes de l' intelligence humaine, ce sont des lieux de communion dans la vérité vivante du Christ et non des armes d'opposition et d' antagonismes. Les dogmes, comme les structures de l'Eglise - primauté, conciliarité, hiérarchie, discipline - tout cela est au service de la vie et de l'amour. La vie liturgique retrouve sa place dans ce message de l' orthodoxie, comme mode privilégié et nécessaire de l' experience ecclésiale et personnelle vécue et vivante de la communion au Christ dans l' Esprit Saint.

N' oublions pas de mentionner ici le "pôle interieur" de la vie liturgique qu' est la prière du coeur ou prière de Jésus que la tradition orientale a préservée et cultivée à travers les avatars de l'histoire. Je dirais que ce n'est pas la tradition orientale qui a préservé la prière du coeur, mais que c' est la prière du coeur, - qui est invocation incessante du nom de Jésus -, qui a préservé l' Eglise et les peuples à travers les tourmentes de l' histoire. C' est ce que disait un prêtre russe que j' interrogeais à ce sujet dans les années 60 : sans la prière du coeur, nous n'aurions pas pu tenir. C' est ainsi que nous parlons de la "dimension philocalique" de la prière. La Philocalie est une anthologie de textes sur la prière du IVe au XIVe siècle, rassemblés au XVllle, et qui a été traduite dans beaucoup de langues. Dans cette tradition hésychaste de paix et de silence interieur, nous ne voyons pas une spiritualité particulière, mais la certitude que l' Esprit Saint unifie l' homme tout entier et le transforme en atteignant et en renouvelant le coeur humain, siège de la presence du Christ. Je parlerais donc de la valeur universelle et "catholique" de la prière du coeur, pour tout homme et pour tout l'homme.

Je retiendrais également le sens renouvelé de l' icône, qui déborde lui aussi largement les frontières de l' orthodoxie. C' est une fenêtre par laquelle l' Esprit pénètre nos coeurs et nous rassemble. L'icône peinte doit être l' expression de l' icône intérieure gravée au coeur de l' homme, cette image de Dieu non faite de main d' homme, qui doit être décapée, rénovée pour illuminer notre être. Dans ce sens, et dans ce sens seulement, l' icône appartient à l' essence du message chrétien et donc au message de l'orthodoxie.

Si enfin nous savons rappeler le sens caché des symboles, l'au-delà de la vie sacramentelle et du langage conceptuel ou iconographique, nous sommes alors capables de nous rejoindre, frères séparés, dans une même vision de l'Unique necessaire et de nous tenir la main dans la main pour ouvrir ensemble à celui qui frappe à la porte de nos coeurs, afin que les hommes d' aujourd'hui puissent s'exclamer comme les hommes de l' antiquité en nous voyant : "Regardez comme ils s'aiment". Alors le message d' amour parle de lui-même.

(Les intertitres sent de la redaction du SOP.)

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