Hamilcar S. Alivisatos
L'état du Mont Athos
Théologia, 36, Athènes 1965, p. 39-52.
Partie 5
En résumant ce qui vient d'être exposé, je désire insister sur trois points concernant l'état actuel du monachisme du Mont Athos et de l'Eglise Orthodoxe en général:
1) Que, tandis qu'il est vrai que, malgré les efforts pour attirer des jeunes gens à la vie monastique, une diminution incontestable du nombre des moines est constatée par la statistique et qu'une décadence au point de vue de la science théologique ne peut pas être niée, car la plupart des monastères ne sont plus des centres de culture théologique, néanmoins il n'est pas juste de parler d'un déclin de l'idéal monastique, car celui-ci se conserve intact et, indépendamment du nombre des moines et de leur éducation théologique, les couvents continuent d'être de saints lieux de prière, de vie ascétique et de contemplation mystique et témoignent par conséquent d'un attachement profond à l'idéal monastique.
2) Que la tendance vers l'état monastique et vers la sévère vie
de couvents, due précisément aux mêmes motifs individuels et personnels que dans les époques antérieures, n'a jamais cessé d' exister. Peut-être même les raisons qui actuellement poussent à un éloignement de 1'idéal monastique, raisons qui autrefois n'existaient pas, la rendent-ils aujourd'hui plus forte encore. C'est pour cela qu'on rencontre actuellement encore, surtout dans les ermitages et les retraites des ascètes, au Mont Athos et ailleurs, de vieux anachorètes d'une grande culture et d'un puissant rayonnement ascétique, qui préservent et perpétuent la tradition antique.
3) Que l'Eglise et la société chrétienne orthodoxe ont encore aujourd'hui une conscience profonde de la valeur que la vie monastique a pour l'Eglise. C'est pour cela qu'un tel zèle et un tel effort pour sa régénération et son rétablissement dans ses vieilles aspirations ses anciens fondements sont déployés, tant en premier lieu au Mont Athos, qu'à tous les centres et les ordres monastiques des pays orthodoxes.
Qu'on n'oublie d'ailleurs pas que tous ces efforts pour donner de nouvelles forces à la vie monastique constituent un effort humain, qu'il faut encore l'action divine toute puissante, dont l'aide et la coopération sont assurées car, comme l'Apôtre Paul nous assure que «tout contribue au bien de ceux qui aiment Dieu»(Rm: VIII-28).
En ma qualité d'orthodoxe, je vous remercie de l'initiative de cette réunion solennelle à l'occasion du jubilé du millénaire de la fondation des grands centres de l’ascétisme du Mont Athos. Et, considérant cette célébration dans les cadres et l'atmosphère de l'Œcuménisme, comme le symbole du commencement de l'abolition du vieil état des choses et de la création de conditions nouvelles qui ne seront pas simplement semblables aux anciennes, mais marqueront un retour à l'état primitif et aux principes fondamentaux de l'unité religieuse et de notre Eglise chrétienne et catholique, je souhaite que cette célébration commune sert de point de départ vers une nouvelle direction qui mènera à la solution définitive et telle qu'il faut qu'elle soit, de la question pénible du monde chrétien et de l'Eglise catholique qu'est le schisme et réunira les Eglises, au nom du Christ, par les liens dorés de l'amour et de la compréhension mutuelle, pour la gloire de Dieu.
Il serait digne et juste, qu'après l'ouverture de la voie par le Pape Jean XXIII, l'initiative de suivre cette direction nouvelle soit assurée par le monachisme qui a des fondements fermes et indissolubles, reposant sur un idéal monastique unique.
En reconnaissance de l'initiative bénie prise par le saint Monastère de Chevetogne, c'est à ses moines que reviendra l'honneur d'avoir formé l'avant-garde de ceux qui ont assumé la tâche de faire cesser le schisme. Ceci, en dernière analyse, n'intéresse pas les deux soeurs aînées, l'Eglise Romaine Catholique et l'Eglise Orthodoxe exclusivement, mais la Chrétienté entière et l'Eglise du Christ.
Car je suis sûr que, si le schisme cesse d'exister et si le grand jour de l'union vient, toutes les autres différences religieuses disparaîtront automatiquement, parce que c'est de là au fond, que toutes elles dérivent.
Je soutiens ceci car je suis convaincu que si le schisme n' existait pas et si, lorsque la grande révolution religieuse, celle qu'on appelle la Réforme, fit son apparition en Occident, si, dis-je, les Eglises étaient alors unies, l'influence de l'esprit de l'Eglise Orientale aurait écarté la Réforme et lui aurait donné une autre direction, faisant d'elle une Contre-réforme plus puissante et la détournant de la déviation qui créa la séparation et une division sans fin qui dure jusqu'à nos jours.
Permettez-moi, en finissant, de formuler le souhait ardent que notre réunion prochaine se fasse par la reconnaissance mutuelle de certains principes qui automatiquement, auront comme résultat la réalisation du voeu de notre Seigneur: «afin que tous soient un» (Jean: XVIII-20).
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