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Nicolas Afanassieff

L'apotre Pierre et l' évêque de Rome
A propos du livre d'Oscar Cullmann «Saint Pierre, Disciple -Apôtre - Martyr. Neuchatel - Paris 1952.

Theologia 26, Athènes 1955, p. 465-475; 620-641


Chapitre 4

Cullmann estime que Mt. XVI, 17-19 ne se trouve pas à sa place. En n’admettant pas la possibilité que les paroles adressées à Pierre aient été prononcées par le Christ rescuscité, Culmann dit presque catégoriquement qu'elles ont été prononcées par Lui avant la Passion au cours de la Sainte Cène(1). Cette supposition de M. C. est dictée en quelque sorte par sa compréhension de l'Eglise dans Mt.XVI, 18. L'édification de l’Eglise, en tant que communauté messianique, pouvait commencer en accord avec la conscience messianique du Christ, après Sa passion et Sa résurrection. C'est pourquoi il parait naturel à M. C. que le Christ ait dit, lors de la Sainte Cène, la veille de sa passion, sa promesse solennelle de l'édification de l'Eglise sur Pierre. Tout en pouvant admettre que ces paroles du Christ ne se trouvent pas à leur place, je m'oppose absolument du point de vue de l'ecclésiologie eucharistique, contre la supposition qu'elles auraient été prononcées soit lors de la Sainte Cène, soit surtout par le Christ ressuscité. Mes divergences avec M.C. ne concernent pas seulement la question de la composition littéraire de l'Evangile de Matthieu, mais aussi elles sont conditionnées par une compréhension différente de la notion de «l'édification de l'Eglise» et par une définition différente du moment de l'édification de l'Eglise. Avant d'aborder ce problème, je voudrais faire une remarque préliminaire.

Dans son étude, récemment parue, «La Tradition», M.C•. dit très clairement ce que l'on sentait dans son livre «Saint Pierre»(2). Revenant à la terminologie qui avait trouvé son expression dans «Christ et le Temps», M. C. écrit dans sa nouvelle étude que le temps del'Eglise commence avec la mort du dernier apôtre et que, donc, l'activité des apôtres est à rapporter au temps de l'Incarnation. Si nous comparons cette prise de position de M. C. avec celle qui se trouve dans son livre «Christ et le Temps», nous devons constater qu'il s'est produit chez lui un certain mouvement vers un allongement du temps de l'Incarnation. Il y est dit que le temps de l'Eglise commence avec Pâques et qu'à partir de ce moment débute l'activité des apôtres et c'est pourquoi toute l'activité des apôtres s'étend sur le temps de l'Eglise. Ce mouvement de peu d' importance en lui-même, est très appréciable, car c'est lui qui apporte la clé de la compréhension des principales pensées du livre de M. C. «Saint Pierre». En particulier, cet allongement du temps de l'Incarnation rend plus définie sa notion de «l'édification» de l'Eglise.

Se basant sur l'image d'un édifice ou d'une maison, image habituelle dans la littérature vétéro-et néotestamentaire, M. C. distingue deux moments dans l'édification de l'Eglise, ou plus exactement deux périodes, La première période se rapporte au temps de l'activité des apôtres, lorsque l'Eglise est basée sur Pierre comme sur un roc. La deuxième période commence avec la période de l'édification, par laquelle débute le temps de l'Eglise proprement dit. Comme elle se rapporte au temps de l'Incarnation, la fondation de l'Eglise est un «événement unique», et ainsi elle ne peut pas se répéter dans l'histoire de l'Eglise. Cette indication est très importante, car, nous le verrons plus loin, elle définit les sentiments de M. C. à l'égard de la succession apostolique. Le schéma proposé par M.C. est fondé seulement dans le cas de sa compréhension propre du terme «Eglise» dans Mt. XVI, 18, mais il ne l'est plus si nous prenons pour point de départ la doctrine de l'Eglise en tant que corps du Christ. Dans l'esprit de l'ecclesiologie eucharistique nous ne pouvons pas séparer la «fondation» de l'Eglise de son «édification», car ces deux moments forment un seul acte unique. L'Eglise apparaît dans la vie empirique d'un seul coup, comme une unité, dans toute sa plénitude. Elle n'aurait pas pu apparaître autrement, parce que l'Eglise-corps du Christ ne peut exister que dans toute sa plénitude. Non seulement la fondation de l'Eglise, comme le pense M. C., mais aussi tout l'acte de l'édification ne peut pas se répéter, étant accompli une fois pour toutes, «ἐφάπαξ», comme ne peuvent pas se répéter la Sainte Cène, le Golgotha, la Résurrection et en général tout le temps de l'Incarnation. Cette édification a été précédée par deux temps préparatoires. Le premier temps a trouvé son expression dans Mt. XVI, 17-19- Lorsque le Christ a dit «j'édifierai mon Eglise», c'était seulement une promesse sur l'Eglise, donc l'Eglise n'existait pas encore. Pendant Sa vie terrestre, les disciples duChrist ne formaient pas une Eglise. Ils étaient avec Lui, mais ils n’étaient pas «en Christ». L’Eglise a été fondée lors de la Sainte Cène par l'institution de l'Eucharistie. C'était en quelque sorte un acte institutionnel dont la réalisation s'effectue au temps de la Pentecôte, lorsque fut établie l'Eglise par la célébration de la première Eucharistie par Pierre. C'était en même temps l'actualisation de l'Eglise deDieu en Christ dans l'église locale de Jérusalem. De pair avec• ceci c'était l'accomplissement de la promesse donnée pa le Christ dans Mt. XVI, 17-18. C'est pourquoi la Pentecôte marque la limite entre le temps de l'Incarnation et le temps de l'Eglise. L'existence de l'Eglise appartient complètement au temps de l'Eglise, mais son édification appartient encore au temps de l'Incarnation.

Comme «événement unique», l'édification de l'Eglise ne peut pas se répéter, mais non son actualisation dans les églises locales. Voilà le processus de l'édification qui fait partie du temps de l'Eglise. Actualisée pour la première fois dans l'église locale de Jérusalem,l'Eglise de Dieu en Christ doit être actualisée dans la multitude des églises locales. La limite de cette multitude ne peut être que celle de l'univers. C'est pourquoi nous pouvons parler de l'édification des églises locales et de la croissance de l'église locale, mais tout cela ne concerne pas l'Eglise de Dieu en Christ, qui reste toujours égale à elle—même. Comme «corps en Christ» (Rom. XII, 5), l'église locale peut croître, mais dès le début de son existence elle reste un organisme entier, tout en passant de l'âge de l'enfant à celui de l'homme adulte. A chaque moment de l'existence de l'église locale, toute l'Eglise de Dieu se manifeste en elle dans toute sa plénitude. C'est pourquoi je ne peux pas admettre la représentation de l'Eglise sous la forme d'un édifice, sur le fondement duquel, constitué par Pierre, on élève progressivement de nouveaux étages (p. 200). Si nous trouvons bien dans les Ecritures l'image de l'édifice pour définir l'Eglise, cette image ne présuppose pas que la «maison de Dieu» reste jusqu'à la fin des temps de l'Eglise inachevée, car reste inachevée non pas la maison de Dieu mais la croissance de chrétiens, intérieure ou extérieure. Je ne pense pas que l'autorité du «Pasteur» soit si incontestée pour que nous devions adopter son image de la tour en construction. En liaison avec ce qui précède, je dois dire quelques mots à propos du ministère des apôtres. Je ne peux ajouter que peu de choses à ce qui a été dit par M. C., mais je dois faire une remarque qui me semble capitale en ce qui concerne le ministère de l'apôtre Pierre. L'apostolat a un caractère ecclésiologique qui n'apparaît pas clairement chez M. C. Comme je l'ai indiqué, il rapporte l'activité des apôtres au temps de l'Incarnation et non au temps de l'Eglise. Sont apôtres ceux qui ont vue le Christ ressuscité et qui ont reçu de lui une mission spéciale. La réception d'une mission spéciale par les apôtres, à l'exception de l'apôtre Paul, appartient au temps de Pâques. Pour M.C., c'est à ce moment que les Douze sont devenus apôtres. En définissant ainsi le commencement de l'apostolat, on dirait que M.C. laisse tomber la claire indication des Actes, selon laquelle l'activité des apôtres commence après la Pentecôte, et qu'il confond la promesse de l'apostolat avec son accomplissement. Lors de la vie terrestre du Christ, les Douze n'étaient pas des apôtres, mais seulement ils avaient la promesse d'être des pêcheurs d'hommes. La promesse s'est accomplie à la Pentecôte, quand dans l'Esprit et par l'Esprit ils sont devenus apôtres, c'est-à-dire au moment où par le même Esprit l'Eglise s'est actualisée. Cela signifie que l'apostolat, en tant que ministère spécial, n'est possible que dans l'Eglise pour laquelle il est institué et qu'il ne peut donc pas être rapporté au temps de l'Incarnation : il ne peut pas exister avant l'Eglise et sans l'Eglise. Témoins du Christ ressuscité, les apôtres apportaient la bonne nouvelle du salut «en Christ», c'est-à-dire en l'Eglise. C'est pourquoi leur mission ne consistait pas dans les conversions individuelles au christianisme, qui n'étaient pas exclues, mais dans l'édification des églises locales. Ceci, encore, nous ramène à la Pentecôte, car seulement après l'actualisation de l'Eglise de Dieu est devenue possible l'édification des églises locales.





Notes

1. Cullmann dit que son analyse de Mt. XVI, 17-19 ne se base pas sur sa supposition sur le lieu où ces paroles ont été dites. Mais il est possible que F. M. Braun ait raison de dire que cette supposition est réfléchie par toute son analyse (L'apôtre Pierre devant l'exégèse et l'histoire. Revue thomiste 1953, p. 392).

2. Oscar Cullmann, La Tradition. Cahiers théologiques. Neuchâtel-Paris 1953.

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